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10 / 10 / 2025 | 15 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Le CESE alerte sur la santé mentale des jeunes et appelle à des mesures contraignantes pour refonder le système de prévention et de prise en charge

Le projet d’avis du CESE sur la  « Santé mentale et bien-être des enfants et des jeunes : un enjeu de société », a été  présenté en séance plénière le 14 octobre  par Helno Eyriey,  membre du CESE en tant de représentant de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) qu’il représente au sein du Groupe des Organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse; à noter qu'il  a été adopté à la quasi unanimité.


Alors qu’un quart des jeunes souffre de troubles dépressifs, que les délais d’attente pour une consultation peuvent atteindre deux ans, et que l’accès aux soins reste profondément inégal selon les territoires, le CESE alerte sur cette situation critique.


Fruit d’un travail approfondi mené avec les acteurs de terrain, les experts et les citoyens, cet avis s’appuie sur un dispositif de participation citoyenne inédit, qui a permis d’associer directement les jeunes aux travaux du Conseil. 


Les chiffres ne laissent aucun doute sur la situation d’urgence actuelle : dès le primaire, 13 % des enfants présentent déjà un trouble. Au lycée, plus d’un élève sur quatre déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année. Au-delà de ce constat sur l’état actuel de la santé mentale des jeunes, la dynamique est préoccupante ; en moins de dix ans, la proportion des 18-24 ans ayant eu des idées suicidaires a doublé.

 


Si le CESE constate que les jeunes sont de plus en plus conscients de leur propre santé mentale et en perçoivent mieux l’importance dans leur vie quotidienne, ils ont toutefois encore beaucoup de difficulté à en parler. C’est pourquoi, dans le cadre de cet avis, le CESE a choisi de leur donner la parole. Pour la première fois, vingt jeunes de 12 à 18 ans, tirés au sort, sont venus   faire part de leur diagnostic, leurs priorités et proposer des solutions – leurs solutions. De leur rapport final, une grande partie de leurs propositions a été intégrée dans l’avis présenté.


Au-delà des chiffres alarmants, le CESE dresse un constat clair et structurant : la santé mentale des enfants, adolescents et jeunes adultes est profondément influencée par leurs conditions de vie.
 

Les inégalités sociales, la précarité économique, le mal-logement, l’accès inégal aux soins ou encore les discriminations systémiques (liées au genre, à l’orientation sexuelle, au handicap ou à l’origine sociale) constituent des facteurs aggravants majeurs.
 

Il  souligne également l’impact de la pression scolaire, citée par plus d’un quart des adolescents comme première source d’angoisse, ainsi que les effets délétères du numérique et des réseaux sociaux, qui favorisent la comparaison sociale, l’hyperconnexion et la fatigue mentale. À cela s’ajoutent des déterminants environnementaux (pollution, bruit, manque d’accès à la nature), territoriaux (fractures entre zones rurales et urbaines, Outre-mer), et familiaux (instabilité, absence de soutien, souffrance parentale), qui forment un écosystème anxiogène pour une jeunesse en quête de repères.


Face à l’urgence, le CESE exige une mobilisation immédiate et ambitieuse pour enrayer la dégradation de la santé mentale des jeunes.


Le rapport préconise une  série  de  préconisations concrètes, afin de refonder en profondeur le système de prévention et de prise en charge de la santé mentale des jeunes.


1 – Se donner les moyens d’une approche préventive et holistique


Pour assurer la pertinence de toute approche préventive, le CESE appelle à mieux intégrer les enfants et les jeunes dans leurs institutions et dans la construction des politiques publiques locales et nationales, afin de les rendre plus respectueuses de leurs droits et de leurs besoins. Cela doit faire l’objet d’une stratégie nationale pluriannuelle de la santé mentale qui consacrera un chapitre aux enfants et aux jeunes, engageant une politique interministérielle coordonnée avec les collectivités territoriales. Cette stratégie devra être construite autour d’objectifs et d’indicateurs de suivi chiffrables et évaluables à cinq ans.


2 – Développer les compétences psychosociales sur la vie affective et relationnelle, le harcèlement, les discriminations, les violences et les addictions


Le CESE demande à affirmer davantage la lutte contre les discriminations et l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVRAS) dans le cadre de matières obligatoires existantes ou à créer, ainsi qu’à former aux compétences psychosociales les adultes qui encadrent des enfants.


3 – Faire de la régulation du numérique et de l’éducation à son utilisation une priorité


Le CESE préconise de rendre effective une éducation au numérique pour les enfants, les adolescents et les parents, notamment aux usages des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Le CESE plaide pour limiter les usages des réseaux sociaux par les mineurs par la mise en place d’un couvre-feu numérique et la généralisation du dispositif de pause numérique à l’ensemble des établissements. Il  appelle également à renforcer la responsabilité des plateformes et sites hébergeurs des réseaux sociaux vis-à-vis des algorithmes et du contrôle du contenu accessible aux mineurs.


4 – Revoir les rythmes scolaires autour des besoins fondamentaux de l’enfant


Le CESE souhaite que les rythmes scolaires soient revus afin de favoriser les temps de repos, le bien-être des enfants et un meilleur apprentissage.


5 – Informer et déstigmatiser : « aller vers » et « faire avec » les enfants et les jeunes

Le CESE demande à conduire des campagnes de sensibilisation régulières à destination des jeunes et des adultes dans les établissements scolaires, les établissements d’enseignement supérieur, les lieux de travail, de loisirs et de sport, entre autres. En ce sens, il  appelle à améliorer la sensibilisation aux questions de santé mentale et développer des formations à destination des adultes encadrants et de l’entourage des enfants et des jeunes, à travers les dispositifs de type « premiers secours en santé mentale » (PSSM) et enfin à mieux intégrer le numérique, notamment en s’appuyant sur des créateurs de contenu.


6 – Mieux repérer, soigner et accompagner


Le CESE:
 

  • appelle à renforcer les moyens humains et matériels de la santé scolaire afin qu’ils puissent pleinement assurer leurs missions de prévention, de repérage et d’orientation, en lien étroit avec la pédopsychiatrie et le secteur médico-social. Cela suppose de rendre ces métiers plus attractifs par une revalorisation des rémunérations, de reconnaître davantage le rôle de coordination des médecins de l’Éducation nationale, et de renforcer la formation des infirmiers scolaires après leur recrutement.
  • préconise d’instaurer des objectifs chiffrés et des quotas de psychiatres et psychologues conventionnés devant exercer leur profession dans les territoires ruraux et ultramarins où le manque d’offre de secteur 1 est identifié et accompagner les installations dans ces territoires par des mesures de soutien.
  • demande d’engager, à l’échelle des bassins de vie, l’ensemble des acteurs de la santé mentale - psychiatrie sectorisée, psychiatres libéraux, établissements privés (à but lucratif et à but non lucratif), mais aussi psychologues - dans l’organisation de la permanence des soins.

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Santé mentale: Les cadres sous tension, les managers en première ligne

 

 

32 % des cadres déclarent ressentir souvent au moins un signe de santé mentale dégradée – stress, épuisement, anxiété, irritabilité ou déprime. L'étude publiée jeudi par l'Apec est formelle : les managers sont particulièrement exposés. 58 % d’entre eux évoquent des épisodes de stress intense et près d’un sur deux estime que la santé mentale de ses collaborateurs impacte la sienne. Entre injonction à la performance et solitude managériale, la prévention reste encore inégale dans les entreprises.

 

Les cadres particulièrement exposés

 

La pression du quotidien professionnel frappe de plein fouet la population cadre : 41 % disent travailler souvent sous pression, contre 24 % des non-cadres. Objectifs élevés, rythmes étendus et hyperconnexion permanente nourrissent un climat de surcharge mentale : 63 % reconnaissent devoir penser à trop de choses à la fois. Ces conditions, associées à la difficulté de déconnexion (65 % continuent à penser au travail après les horaires), pèsent directement sur leur santé.

 

Près d’un tiers des cadres rapportent une santé mentale fragilisée, avec des troubles du sommeil (54 %), une fatigue persistante (60 %) et une perte de motivation (53 %). Les femmes et les moins de 35 ans apparaissent plus vulnérables. Si un cadre sur cinq a déjà été arrêté pour stress ou épuisement, la majorité continue à travailler malgré des symptômes installés. Cette endurance silencieuse illustre une culture du sur-engagement très présente dans l’identité cadre.

 

Des entreprises mobilisées mais encore trop peu armées

 

Portée par la reconnaissance de la santé mentale comme grande cause nationale 2025, la prise de conscience progresse : 26 % des cadres jugent que leur entreprise agit sérieusement sur le sujet, mais 44 % estiment que les actions demeurent limitées à la communication. Un tiers ne voit aucune initiative réelle dans leur structure. Les dispositifs de prévention, lorsqu’ils existent, se concentrent souvent sur le bien-être ou la convivialité, sans traitement de fond des causes organisationnelles.

 

Les freins identifiés tiennent aussi à la confiance : beaucoup doutent de la confidentialité des outils internes ou craignent d’être jugés. Le manque de formation reste patent : peu de managers ou de salariés disposent des repères nécessaires pour reconnaître et traiter les signaux de détresse psychologique. Les experts interrogés appellent à aller au-delà des approches symboliques pour agir sur la charge de travail, l’organisation et le soutien managérial.

 

Les managers, acteurs clés mais eux-mêmes fragilisés

 

Les managers se placent au premier rang des acteurs de la prévention : 93 % considèrent qu’il leur revient d’éviter les situations à risque et 87 % de soutenir leurs collaborateurs en difficulté. En pratique, 89 % évoquent régulièrement les conditions de travail avec leurs équipes et la moitié le font plusieurs fois par mois. Cependant, beaucoup « bricolent » des réponses locales : réaménagements de tâches, flexibilité horaire ou écoute active, sans cadre collectif solide.

 

Cette position d’interface les expose directement. Deux tiers jugent difficile de repérer les signaux de détresse et 69 % peinent à trouver des solutions concrètes. Entre attentes de la direction et besoins des équipes, ils se sentent parfois pris en étau. Près d’un sur deux redoute de mal faire, un tiers ignore vers qui orienter un salarié en difficulté. Ces dilemmes, souvent vécus dans l’isolement, nourrissent une usure psychique que la plupart ne savent pas signaler.

 

Une santé mentale managériale en alerte

 

Les managers cumulent les contraintes : production, encadrement, gestion de conflits, reporting et suivi des équipes. Résultat : 58 % ressentent souvent du stress intense (contre 52 % des cadres non-managers) et 62 % disent devoir penser à trop de choses à la fois. Près d’un sur deux (47 %) estime que la santé mentale de ses collaborateurs dégrade la sienne. À cela s’ajoutent des tensions accrues : 84 % rencontrent des conflits au travail au moins occasionnellement, contre 64 % des autres cadres.

 

L’étude pointe une difficulté chronique à concilier les multiples rôles attribués aux managers : produire tout en protégeant, contrôler tout en soutenir. Sans formation adaptée ni espaces d’échange, beaucoup affrontent seuls les crises internes. Leur équilibre de vie est mis à mal, d’autant plus qu’ils restent connectés en permanence. Les experts appellent à renforcer le suivi de leur charge de travail et à créer de véritables communautés de pairs pour rompre l’isolement.

 

L’identité cadre, moteur et piège à la fois

 

Au cœur du problème se trouve la culture du dépassement : 83 % des cadres estiment essentiel de se dépasser dans leur travail, et cette proportion monte à 89 % chez les managers. Cette exigence identitaire rend la vulnérabilité difficile à exprimer. Plus d’un tiers craignent qu’évoquer leurs difficultés freine leur carrière (39 % des managers, 32 % des non-managers). Seuls 37 % en parlent à leur supérieur hiérarchique et 24 % à la médecine du travail.

 

Cette autocensure s’accompagne de comportements paradoxaux : pour faire face au stress, 39 % des managers ont pris un jour de repos, mais 37 % ont… augmenté leurs horaires de travail. Ce sur-engagement, perçu comme un devoir d’exemplarité, alimente un cercle vicieux d’épuisement et d’isolement. Pour les experts, rompre avec cette logique suppose de redéfinir la performance cadre, d’instaurer un droit réel à la parole et d’intégrer la santé mentale dans la formation et l’évaluation managériale.

 

Lien vers l’étude : urlr.me/HdUMzK