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06 / 04 / 2011 | 78 vues
Lionel Le Gall / Abonné
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Une démarche partenariale exemplaire : l’audit d'une partie de la chaîne des dépenses au CHU de Nantes

Le Centre Hospitalier Universitaire de Nantes est le 5ème de France par le nombre de lits (près de 3 100) et le 9ème  par la masse budgétaire, avec un budget de l’ordre de 680 millions d'euros. Il emploie plus de 11 000 agents (427 millions d'euros de charges de personnel).

La trésorerie du CHU est classée 14ème au niveau national. Elle est dotée de 32 agents, dont 4 cadres A, et gère près de 420 000 titres et 70 000 mandats. Les comptables successifs entretiennent une relation privilégiée avec les services ordonnateurs. Cette relation se concrétise par la pratique systématique du travail en commun entre la trésorerie et les services du CHU. En 2008 et 2009, cette pratique s’est traduite dans des domaines très divers, parmi lesquels on peut citer :

  • le chantier d’optimisation de la recette, mené sous l’égide de la MEAH (devenue ANAP) ;
  • l’engagement d’un travail partenarial sur le visa de la paie ;
  • la présentation commune par le directeur des affaires financières et le comptable du rapport sur le compte financier ;
  • l’élaboration et la présentation aux instances du CHU d’une analyse financière commune ;
  • le suivi partenarial de la trésorerie (situation quotidienne et suivi prévisionnel).


Cette politique de collaboration active s’est trouvée confortée et structurée par la signature, le 26 octobre 2009, d’une convention de services comptables et financiers. Cette convention, qui engage au-delà du comptable tout le réseau de la DGFiP, vise notamment à renforcer les prestations de conseil et à moderniser les chaînes de la dépense et de la recette. 

Concrètement, fin 2009, l'une des actions de la convention a posé le principe d’un audit partenarial sur une partie de la chaîne de la dépense et plus précisément sur les achats de médicaments et de dispositifs médicaux (services « pharmacie » et « arsenal » du CHU).

L’enjeu financier de ces dépenses est considérable pour l’établissement, que ce soit en raison du poids de ces achats dans la dépense (43 % des achats effectués en 2008), de leur caractère dynamique (+ 7,7 % pour les dispositifs médicaux ; + 10,7 % pour les médicaments) ou encore, plus accessoirement, du montant des intérêts moratoires qui pourraient être dus. Pour la trésorerie, l’enjeu est, au départ, double : réduire le taux d’erreur patrimonial relatif à ces achats et raccourcir le délai global de paiement.

L’audit partenarial de la DGFiP, qui se définit traditionnellement par une évaluation commune de la maîtrise des risques (essentiellement comptables), s’est avéré être un outil particulièrement adapté pour aborder l’ensemble des problématiques soulevées par les partenaires : problématiques comptables mais aussi financières, juridiques et organisationnelles.

Ainsi, l’audit, qui s’est déroulé du 30 septembre 2009 au 11 janvier 2010, a permis classiquement d’effectuer une cartographie des risques, mais il a également été un levier de l’amélioration de la gestion. Le processus « achats de médicaments et de dispositifs médicaux » est au sein du CHU de Nantes un processus concentré sur peu d’acteurs :

  • la pharmacie centrale qui détermine les besoins, effectue les achats et reçoit les livraisons et les factures ;
  • une cellule « marchés » qui s’assure de la sécurité juridique des marchés ;
  • la direction des affaires financières, gardienne des règles budgétaires ;
  • et la trésorerie du CHU, contrôleur du règlement et payeur.

Le CHU n’avait pas développé, au jour de l’audit, de politique de contrôle interne. Par conséquent, aucun des services ordonnateurs intervenant sur le processus ne disposait d’organigramme fonctionnel et de plan de contrôle interne formalisé.

Dans cette chaîne, la trésorerie faisait exception puisqu’elle disposait à la fois d’un organigramme fonctionnel, d’un bilan du contrôle hiérarchisé de la dépense (« CHD ») et d’un dispositif récent de contrôle interne.

Dans ce contexte, l’objet premier de l’audit partenarial a été de définir précisément le processus, d’identifier et de hiérarchiser les risques.

La méthodologie de l’audit partenarial s’est avérée particulièrement adaptée à la diversité des problématiques


L’audit partenarial est d’abord une démarche commune des services ordonnateurs et comptables. Elle se concrétise en premier lieu par la constitution d’une équipe mixte, en l’espèce un directeur-adjoint aux finances du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes et un auditeur de la trésorerie générale.

  • Cette équipe mixte suscite plus facilement l’adhésion des audités à la démarche d’audit, souvent vécue comme une remise en question externe de leur travail.

Cette mixité permet l’association de compétences distinctes et complémentaires. La maîtrise des processus internes avec la méthodologie de l’audit facilite en outre un balayage plus exhaustif de l’ensemble des risques.

C’est aussi pour les auditeurs une vraie sécurité dans le travail d’évaluation des risques dans la mesure où les constats sont nécessairement corroborés. Les constats du  rapport conjoint ont donc plus de légitimité.

Enfin, la connaissance de l’environnement de l’ordonnateur permet d’établir des recommandations plus pragmatiques et donc plus susceptibles d’adhésion. 

  • L’audit partenarial est une démarche transversale

L’audit ne concerne pas un service mais l’ensemble d’un processus, de la détermination des besoins au paiement des médicaments ou des dispositifs médicaux.

  • Cette démarche est une nouveauté au sein de l’établissement qui, à ce stade, ne disposait pas de contrôleur interne ou d’auditeur au sein de l’hôpital.

Elle permet ainsi d’étudier la maîtrise des risques, quels que soient les acteurs de la chaîne, et d’établir les liens systémiques.

Cette vision favorise la suppression des éventuels contrôles redondants, notamment entre la liquidation et les contrôles du comptable, et permet d’envisager des solutions de simplification dématérialisée.

Ainsi, le processus d’achat de médicaments peut faire l’objet d’une dématérialisation totale, de la commande à la facture (solution dite d'« e-procurement »). Elle permet également de modifier la communication entre les acteurs : auparavant, les échanges entre ces acteurs étaient certes réguliers mais visaient essentiellement à régler des problèmes particuliers en bilatéral et au cas par cas.

  • L’audit a permis de nouer un dialogue global entre les différents acteurs.
  • C’est également une démarche méthodique et outillée


Dans le cadre de l’audit du CHU, deux types de questionnaires ont été utilisés : un questionnaire sur le contrôle interne et un autre relatif aux marchés. L’ordonnateur (la pharmacie) comme le comptable ont dû s’y soumettre.

Les conclusions des questionnaires ont fait l’objet de corroboration. Ainsi, un échantillon de mandats a été étudié, le contrôle hiérarchisé de la dépense a été analysé. Enfin, de nombreux entretiens avec l’ensemble des acteurs, que ce soient les opérationnels ou les responsables, ont été menés. L’ensemble de ces moyens permet de s’assurer de la qualité du diagnostic.

C’est enfin une démarche pédagogique, essentielle dans le cadre de la mise en place d’un dispositif de contrôle interne. En effet, les entretiens d’ouverture et de clôture avec les responsables mais également, au cours de l’audit, avec l’ensemble des opérationnels, sont autant d’occasions de faire adhérer les agents et les responsables de service aux risques identifiés et à la nécessité de mettre en place un dispositif de contrôle.

De même, l’établissement d’un rapport provisoire contradictoire et sa restitution à l’ensemble des responsables audités permettent en dernier ressort de s’accorder sur le constat et d’adapter précisément les recommandations. L’audit a également permis à la direction des affaires financières de l’hôpital de s’imprégner concrètement des techniques de l’audit et de découvrir le dispositif de contrôle interne développé par la direction générale des finances publiques.

  •  L’audit s’est donc avéré être une démarche constructive.


Certes, un contrôle partenarial n’a pas été mis en place pour le moment mais cette perspective reste un objectif (un audit de suivi devra au préalable confirmer la sécurisation du processus).

Mais l’audit a permis d’aboutir à l’établissement d’une cartographie partagée des risques du processus d’achat de médicaments et de dispositifs médicaux et à l’adhésion de l’ensemble des acteurs des services ordonnateurs au processus pour d’établissement d’un dispositif de contrôle interne. Pour le comptable, il a aussi donné l’assurance d’accéder à plus d’informations via une consultation du logiciel comptable de l’ordonnateur, mais aussi de voir traiter en amont des anomalies qui constituaient autant de suspensions ou de rejets.

L’audit partenarial comme outil de gestion


Une organisation du suivi de l’audit, qui démontre une forte implication des principaux acteurs, a été mise en place.

  • Un plan d’actions pluriannuel et transversal proposé par le pôle pharmacie

Le 11 janvier 2010, un compte rendu d’audit a été présenté par les auditeurs devant la direction générale, les directions fonctionnelles concernées, les responsables de la pharmacie et de l’arsenal et les représentants de la DGFiP (trésorier du CHU et division « secteur public local » de la trésorerie générale).

Cette réunion a été l’occasion pour les services pharmacie/arsenal de présenter leurs observations et leurs premiers éléments de réponse. La cible du 15 mars a été validée pour le dépôt d’un projet de plan d’actions par les professionnels de terrain. Le principe d’un premier bilan 6 mois après validation du plan a été retenu.

Le 13 mars 2010, dans le délai imparti, le responsable du pôle pharmacie a adressé un projet de plan d’actions. Les actions proposées se déroulent essentiellement en 2010 mais se poursuivent en 2011.

1er semestre 2010 :

Les actions visent à :

  • consolider les missions fondamentales de la pharmacie centrale ;
  • réduire les dépenses hors marché ;
  • sécuriser le traitement des factures ;
  • participer aux achats groupés dans le cadre d’UNI-HA.

Sur l’année 2010 :

  • poursuivre le déploiement d’e-procurement ;
  • pallier aux défaillances du personnel administratif


Sur l’année 2011 :

  • mettre en œuvre un outil informatique de traitement des marchés ;
  • mettre en œuvre la dématérialisation des factures.


Ce plan d’actions répondait pour l’essentiel aux diverses recommandations des auditeurs et permettait maintenant sa mise en œuvre.

  • Un pilotage du suivi de l’audit organisé par la direction générale.

La direction générale a validé l’ensemble de ces propositions et souhaité qu’un suivi périodique soit mis en œuvre pour constater et évaluer les mises en œuvre concrètes du plan. Pour ce faire, elle a mis en place un comité de suivi (qui reprend la configuration initiale du comité de rendu des conclusions de l’audit partenarial).

Le comité de suivi réunit :

  • la direction générale du CHU ;
  • la direction du pôle pharmacie et la direction de plate-forme ;
  • la direction des finances ou PAD (pôle activité & développement) ;
  • les auditeurs (externe : TG de Loire-Atlantique CICE et  Interne : PAD) ;
  • le trésorier du CHU et la division SPL de la trésorerie générale.


Le comité de suivi se réunira à l’occasion de plusieurs points d’étape :

  • Point d’étape n° 1 : programmé en octobre 2010, il aura pour objet d’évaluer l’état d’avancement des mesures  préconisées et retenues au plan d’actions ;
  • Point d’étape n° 2 : il sera à programmer en mars 2011, un an après le dépôt du plan. Lors de ce second point d’étape, le responsable du pôle sera amené à faire un état de l’avancement du plan d’actions et à proposer des actions correctrices ou complémentaires.
  • Les premiers résultats du plan d’actions : vers une rationalisation des processus.

Dès à présent, avant même le point d’étape programmé en octobre 2010, certains résultats tangibles du plan ont été constatés.

Des outils informatiques complémentaires au CHU de NANTES sont ou vont être mis en place
:

  • La solution WMS est un système de gestion d’entrepôt pour la préparation, le suivi et l’exécution des activités d’entrepôt.


Ce support présente différentes opportunités :

  • gestion des réapprovisionnements auprès des fournisseurs, suppression des ressaisies des commandes non honorées pour les services clients internes, gain de temps pour le personnel soignant, traçabilité logistique et sanitaire fiable ;
  • traçage en temps réel des opérations de l’entrepôt, mais aussi aide à la préparation de commande (picking), inventaire et statistiques, répartition par destinataire, gestion également des surfaces et des volumes ;
  • gestion des alertes sur le suivi des dates de péremption, dates limites de consommation ;
  • diminution des litiges, élimination des stocks inutiles ;
  • un groupe de travail sur Auréa et e-procurement : le déploiement devra être finalisé à la mi-décembre 2010.


L’audit partenarial a entraîné l’élargissement du projet d’informatisation à d’autres secteurs d’activités qui en bénéficieront. Ainsi, au-delà des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux, de nouveaux produits vont être mis en ligne : produits d’entretien, les emballages déchets, les produits décontaminants, le petit matériel hôtelier, l’usage unique stérile et non stérile, le petit matériel hôtelier et les produits alimentaires secs.

Une participation massive au groupement d’achat des hôpitaux UNIHA est en cours de développement.

Le CHU de NANTES qui, jusqu’à 2009, s’était très discrètement inscrit dans la démarche d’achats groupés et en retirait un bénéfice très faible, a mis en oeuvre un plan de participation étendu à tous les segments d’activité pour en retirer, à l’image de plusieurs autres établissements, une économie plus importante et une automatisation des procédures de commande permettant des gains de productivité.

Une mise à jour et une diffusion des documents de la pharmacie centrale conformément au système de management de la qualité (SMQ) mis en place au sein du pôle. Cette démarche s’accompagne d’un renforcement de la communication interne par le biais de réunions trimestrielles d’information et d’échange spécifiques aux secteurs commandes-facturation et marchés. 

La pharmacie centrale s’est organisée pour mieux réagir face à l’absence non planifiée d’un agent
: le délai de redistribution des tâches au sein du secteur commandes-facturation a été réduit.

La mise en œuvre d’un logiciel marché public était une autre piste de réflexion évoquée par les auditeurs
: le CHU de Nantes a lancé une gestion de projet composée de tous les acheteurs, de la cellule marchés et de la DSIT. À cet effet, un cahier des charges a été réalisé. La consultation (MAPA) lancée début juillet a retenu une candidature. De ce fait, le planning prévisionnel qui prévoit un déploiement complet fin 2010 sera tenu. (actuellement, les services du CHU travaillent sur les reprises des données, le calendrier des formations, la procédure test, les droits d'accès, les interfaces avec magh2, BO, Clinicom, les requêtages).

Des tableaux de bord et des indicateurs ont été mis en place pour optimiser le suivi des dépenses de titre 2 « dépenses médicales et pharmaceutiques ». 

Conclusion : de l’audit partenarial au contrôle (interne) partenarial ?


L’audit partenarial paraît donc avoir rempli son objet.

  • Il a certes démontré que, en l’état actuel, l’instauration d’un contrôle partenarial n’était pas possible. Mais cette instauration reste un objectif et une incitation.

On a déjà vu, par ailleurs, que l’audit a eu des incidences concrètes qui dépassent son objet initial ; d’autres en découleront dans un avenir proche.

En effet, les perspectives partenariales dépassent aujourd’hui le champ défini par l’audit : les habitudes de travail en commun et les effets de la CSCF (convention de services comptables et financiers) signée en 2009 permettent de nouvelles ambitions.

L’expérience acquise a révélé tout l’intérêt de développer plus largement, sur l’ensemble des activités de l’établissement, une approche partagée d’audit. Les avantages attendus sont l’allègement des contrôles a posteriori par sécurisation de l’organisation, la formation des agents, la recherche de la dématérialisation des échanges.

Cette expérience incite en outre au développement partenarial (ordonnateur & comptable) du contrôle interne de l’établissement. Elle a permis d’avancer vers un dispositif de contrôle interne de l’établissement tirant bénéfice, au moindre coût, de l’expérience du trésor en la matière.

L’audit partenarial, en effet, s’est révélé être un outil très adapté pour accompagner l’établissement dans la mise en place d’un dispositif de contrôle interne (CIC).
Au-delà de son objet, il a été le révélateur de la nécessité d’œuvrer concrètement pour l’organisation d’un contrôle interne et a certainement constitué une première étape pour la préparation à la certification des comptes du CHU de Nantes.

  • Pour s’inscrire dans les principes de la LOLF et suivre le mouvement de certification des comptes de l’État, la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoire) a posé dans son article 17 le principe d’une certification des comptes des établissements de santé. En 2015 (sur les comptes de 2014 et à partir d’un bilan d’ouverture de 2013), les établissements de santé sont donc incités à se préparer activement à cette échéance.


La DGOS, pour traduire concrètement cette disposition réglementaire, a constitué un groupe de travail national préparatoire à un guide de recommandations qui devrait permettre (au cours de l’année 2011) de mettre en œuvre l’organisation adéquate et réaliser une véritable cartographie des risques comptables et financiers.

Le CHU de Nnates, fort de cette première expérience du terrain, a rejoint le groupe de travail et participe (ordonnateur et comptable associés) à l’ensemble de ces travaux. 

Au total, l’audit partenarial d’une partie de la chaîne de la dépense du CHU de Nantes, par son objet, par la méthodologie mise en œuvre, par ses conséquences directes ou induites, a permis de compléter et de renforcer un dispositif et des habitudes de travail en commun entre l’ordonnateur et le réseau de la DGFIP. 

Pour le comptable, ce processus commun est apparu comme un levier supplémentaire, un outil utile dans la politique de collaboration étroite et multiforme que la DGFIP et ses comptables souhaitent développer.

Pour l’ordonnateur, l’audit et ses suites ont permis des avancées significatives dans les domaines de la gestion, de la définition et du contrôle des processus. Il a constitué une étape utile pour l’appropriation, dans des services qui la connaissaient mal, d’une « culture du contrôle interne » qui sera utile pour le développement du projet de certification des comptes de l’établissement.

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