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03 / 11 / 2014 | 1 vue
Denis Garnier / Membre
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Pas de QVT sans les emplois nécessaires

Agents épuisés, cadres malmenés, arrêts de travail pour raisons de santé en forte augmentation, absences non remplacées, plannings rendus illisibles par de trop nombreux remplacements et vie privée constamment violée sont quelques symptômes du travail à l’hôpital.

Quelle peut-être la cause de tous ces maux ?
Reprenons l’organisation du travail dans le bon sens. Dans un hôpital, la charge de travail est déterminée par le type et le nombre de patients qui sont traités dans les services ainsi que par l’exigence de continuité du service 365 jours par an et 24 heures sur 24. À partir de ce constat, les directions des soins et les cadres déterminent pour chaque jour le nombre de postes nécessaires à la réalisation du travail. Imaginons le besoin d’un poste d’infirmier en permanence toute l’année.

Ainsi, de simples opérations mathématiques se posent pour déterminer avec précision le nombre total d’emplois d’infirmiers qu’il convient de prévoir pour que ce poste soit occupé toute l’année.

Trois amplitudes de travail existent pour cette fonction : le matin et l’après-midi en 7h30 et la nuit en 10 heures, soit un besoin total de 25 heures de temps infirmier par jour et donc de 9 125 heures pour l’année (25 x 365).

Mais le fait d’organiser le travail en équipes et d’équilibrer le planning tout en respectant les règles du temps de travail (4 jours de repos dont 2 consécutifs et au moins 1 dimanche tous les 15 jours) conduit à régulièrement porter davantage d’agents que mathématiquement nécessaire. Selon des études de cas sur ces situations, il apparaît que ces dépassements (quasiment incontournables) représentent 20 % de temps supplémentaire qui peut en partie être utilisé pour remplacer quelques absences inopinées.
Ces simples opérations comptables, que personne ne peut et ne doit ignorer, concluent à la nécessité de doter chaque poste de travail de 10 950 heures de travail effectif (9125h + 20%). C’est pourtant après que les choses se gâtent...


Mais combien faut-il d’agents pour couvrir 10 950 heures de travail ?


La durée légale de travail maximum pour un agent qui travaille en équipe est de 1 582 heures desquelles il convient de déduire 2 jours s’il effectue 20 dimanches et jours fériés, un jour s’il fractionne ses congés et 2 jours s’il prend des congés en hiver. Ainsi, un infirmier sera présent au maximum 1 547 heures par an. De ce chiffre il conviendra de retrancher ses heures d’absences du service tel que les jours formation, les jours d’arrêts pour raison de santé etc. Selon les dernières données publiées par le ministère de la Santé, un agent est présent à son poste de travail 87 % (taux de présence) c’est-à-dire 1 346 heures par an. Donc, pour qu’un poste de travail infirmier soit pourvu tout au long de l’année (10 950 heures), il faudra 8,13 infirmiers, mais les directions d’hôpital, essorées par les Agences Régionales de Santé qui demandent de diminuer les effectifs sans se poser la question du travail, recherchent par tous les moyens à minimiser les différentes conséquences pesant sur ce nombre d’emplois.

L’organisation du travail en 12 heures est l'un des moyens de réduire la charge en transférant le temps d’habillage et de déshabillage ainsi que les temps de transmissions sur le temps personnel des agents. C’est au minimum 30 minutes de gagnées chaque jour et donc pour 365 jours, 182 heures de travail récupérées sur le dos des agents.

Les directions contestent aussi le taux de présence des agents de 87 %. Dans leurs calculs d’effectifs, elles estiment le plus souvent que l’agent est présent tout le temps (100 %), ce qui est un déni de la réalité.

Enfin, pour réduire l’effet de l’organisation de plannings qui représente toute de même 20 % des effectifs, elles ont tendance à multiplier le nombre d’agents contractuels qui servent alors de bouche-trous malléables et corvéables à merci.

Entre les 12 heures, le taux de présence et la précarisation de l’emploi, les directions arrivent à réduire le nombre des emplois nécessaires d’environ 10 % ! Ouvrons les yeux sur Les conséquences.

La première, c’est l’épuisement des équipes. Lorsqu’il n’y a que 6 infirmiers ou aides soignantes pour faire le travail de 8, il n’est pas surprenant d’observer une augmentation des absences pour raison de santé. Lorsque celles-ci ne sont pas remplacées ou que très partiellement, la situation de surcharge déjà existante s’aggrave. Les arrêts ne peuvent que se multiplier.

Ces absences provoquées par l’insuffisance du nombre d’emplois obligent les cadres de proximité à réaliser des prouesses pour tenter d’équilibrer les effectifs. Comme outils, ils ont les heures supplémentaires, (elles représentent aujourd’hui 30 000 emplois, non payées non récupérées), l’intérim désormais trop coûteux, la pression sur les emplois précaires et le rappel (illégal) des agents sur leurs jours de repos et congés.

Ainsi, 90 % de leur temps se passe sur une feuille de planning pour trouver l’impossible solution à la pénurie grandissante de personnel.

Ce cadre de proximité n’a alors plus le temps de faire du lien dans l’équipe, de répondre aux attentes exprimées sur le travail. Il abandonne progressivement son rôle de chef d’équipe pour revêtir l’uniforme de comptable de temps. De là, naissent des irritations, qui dégénèrent parfois en agressivité au sein des équipes allant même jusqu’à de la violence entre collègues, (voir le dernier rapport de l’observatoire des violences en milieu hospitalier). Bien d’autres conséquences pourraient être rapportées ici. Il n’existe pas d’autres solutions que de créer les emplois nécessaires.

Ainsi, 30 000 sont déjà employés à crédit par le biais des heures supplémentaires non payées et non récupérées. Il faut créer ces postes, c’est un préalable incontournable à toute discussion sur la qualité de vie au travail. Pas d’emploi, pas de qualité !

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Bonjour, Merci pour vos différents éléments chiffrés et votre analyse. Je souscris à l'idée que la QVT est fortement conditionnée par la réalisme des objectifs individuels et collectifs. L'irréalisme est facteur d'épuisement et de démotivation. Le réalisme est plus facilement assuré quand les objectifs sont co construits et non pas fixés arbitrairement, d'autant plus s'ils le sont par des personnes qui ne connaissant pas la réalité du terrain. Le réalisme des objectifs conditionne en particulier la fierté du résultat du travail et de la façon dont ce résultat est obtenu. L'irréalisme des objectifs met en péril la fierté du travail et met à mal les mécanismes de la reconnaissance (en particulier pour la reconnaissance relative aux résultats). Je rappelle, par ailleurs, le lien mis en évidence par la HAS (Haute Autorité de Santé) entre la QVT et la qualité des soins. Olivier Hoeffel Responsable Editorial de laqvt.fr, site d'actualité sur la QVT