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27 / 09 / 2025 | 12 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Transparence des rémunérations: Les entreprises françaises ont encore du chemin à parcourir

La directive sur la transparence des rémunérations, adoptée en mars 2023, impose aux employeurs de fournir aux salariés, sur demande, des informations sur les niveaux de rémunération moyens pour des postes équivalents. Elle rendra également obligatoire les informations sur les fourchettes de salaire lors du recrutement et interdira toute question relative aux antécédents de salaire. Les entreprises françaises doivent donc se préparer pour être en conformité d’ici au 7 juin 2026, date limite de transposition dans le droit national français.

 

Les entreprises françaises ont encore du chemin à parcourir pour préparer l’entrée en vigueur de la directive européenne en 2026

 

En effet, WTW en France vient de publier son enquête annuelle 2025 (*) sur la transparence des rémunérations. Elle révèle que, si les organisations françaises progressent dans leurs démarches, elles restent en retrait par rapport à l’international et leurs pratiques de communication salariale demeurent limitées à ce stade.

 

Quelques chiffres significatifs: 

 

  • 78 % des entreprises françaises considèrent les exigences réglementaires croissantes comme le facteur déterminant dans la communication de leurs politiques de rémunération

  • 62 % des entreprises en France estiment que le partage des fourchettes salariales entraînera une hausse des questions des salariés

  • 44 % des entreprises ont déjà publié leurs engagements en matière d’équité salariale

  • Moins de 2 % des entreprises utilisent l’IA dans le pilotage de leur politique de rémunérations (alors que près d’une entreprise sur cinq recourt déjà à des technologies conventionnelles)

 

Les exigences réglementaires restent le premier moteur du changement

 

En France, près de 4 organisations sur 5 (78 %) considèrent les exigences réglementaires croissantes comme le facteur déterminant dans la communication de leurs politiques de rémunération. Les autres facteurs énoncés sont les critères ESG et la diversité et inclusion (46 %) ainsi que les attentes des salariés (45 %).

 

Au niveau mondial, si les obligations réglementaires sont également citées comme premier moteur, d’autres facteurs – comme la culture d’entreprise ou la confiance du leadership – ont fortement reculé en importance, confirmant que la pression réglementaire domine désormais le débat.

 

Les entreprises encore prudentes dans leur communication

 

D’une manière générale, les organisations en France semblent moins susceptibles de communiquer des informations sur les salaires que la moyenne internationale. Les informations les plus communiquées portent sur l’ensemble des éléments de rémunération variable (39 %), la classification des emplois (35 %) et la manière dont le salaire de base individuel est déterminé et évolue (25 %). Dans l’ensemble ces chiffres sont moins importants qu’à l’échelle internationale.

 

En revanche, si deux tiers des entreprises françaises (65 %) envisagent de communiquer la rémunération moyenne par catégorie de poste, seules 4 % le font déjà.

 

Les entreprises françaises estiment que le partage des fourchettes salariales entraînera une hausse des questions des salariés (62 %) et des managers (52 %) sur la rémunération, mais engageront également davantage de négociations salariales (55 %). D’ailleurs, parmi les entreprises qui partagent déjà les fourchettes salariales, elles sont 79 % à déclarer recevoir des questions sur le positionnement salarial (positionnement individuel, critères de progression, alignement avec la performance…)

 

En France, les principaux freins au développement de la communication sur les programmes de rémunération sont les réactions possibles des salariés (53%), le manque de préparation des programmes de rémunération (50%) et l’absence d’une architecture claire des emplois et des postes (35%). 

 

Pour avancer sur la mise en place de la directive européenne sur la transparence des rémunérations, les entreprises forment en priorité les équipes dirigeantes (27 %) et les managers (23 %) sur les questions de rémunérations. A l’inverse, seuls 10 % des salariés sont déjà en cours de formation et près de la moitié des entreprises (47 %) ne prévoient, ni n’envisagent de les former sur ce sujet, un chiffre préoccupant à quelques mois de l’échéance européenne.

 

Des pratiques encore limitées en matière d’équité salariale

 

En France, les entreprises communiquent majoritairement sur la fourchette de salaire à l’embauche, et davantage auprès des candidats externes (86 %), qu’internes (74 %).

 

En matière d’équité salariale, 44 % des entreprises publient déjà un engagement public et 38 % prévoient ou envisagent de le faire. Par ailleurs, 27 % des entreprises publient volontairement sur leur écart de rémunération femmes-hommes non ajusté (**) (contre 17 % au niveau mondial), avec une tendance à recourir aux canaux institutionnels pour le faire (rapport annuel, rapport ESG, site web, reporting CSRD).

 

En France, les indicateurs de performance les plus envisagés pour mesurer les impacts des exigences règlementaires sont l’écart de rémunération ajusté entre les genres (56 % vs 35 % au niveau Global) et l’écart salarial par rapport aux pairs (39 % vs 23 % au niveau Global).

 

L’intelligence artificielle encore marginale

 

Que ce soit au niveau national ou global, l’utilisation de l’IA dans le pilotage des rémunérations reste marginale (inférieure à 2%). En revanche, près d’une entreprise sur cinq en France utilise déjà des technologies conventionnelles pour analyser les données de marché, définir des grilles salariales ou identifier des écarts de rémunération.

 

Les principales raisons évoquées étant les risques liés à la confidentialité des données et à la conformité (62 %), au manque de supervision dans les décisions prises par l’IA (59 %) et aux difficultés d’intégration avec les systèmes RH (58 %). 

 

Les entreprises doivent se préparer à l’approche de la directive européenne

 

Si les exigences réglementaires croissantes constituent le principal moteur de la transparence salariale, elles ne sont pas les seules à l’origine de cette évolution. De plus en plus d’entreprises adoptent une approche globale de la communication autour de leurs politiques de rémunération. Dans ce contexte, il est essentiel d’anticiper les transformations du marché de l’emploi, où la transparence deviendra progressivement un standard de référence.

 

Pour rester compétitives et conformes à la directive, les entreprises doivent concentrer leurs efforts sur trois priorités :

  1. Clarifier l’architecture des emplois et les politiques salariales.

  2. Mettre à jour les politiques RH et recrutement pour garantir la communication des fourchettes et l’interdiction de demander l’historique salarial.

  3. Se doter de données fiables et d’outils analytiques pour préparer les futurs reportings et demandes d’information.

 

 

L’enquête sur la transparence des rémunérations 2025 est disponible ici

 

 

(*) 1 915 entreprises dans le monde y ont participé, représentant 39 millions de salariés issus de divers secteurs d’activité. En France, 173 entreprises y ont répondu, représentant 5,1 millions de salariés.

(**) Communication volontaire de l'écart avant la prise en compte de facteurs tels que le niveau et l'expérience.

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