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25 / 01 / 2022 | 121 vues
Fabien Brisard / Abonné
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Si l'on faisait de la prévention un véritable axe partenarial RO-RC ?

Dans le cadre des réflexions menées par le CRAPS, think-tank de la protection sociale, Robin Mor, directeur des affaires publiques de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et du Groupe MNH-nehsn nous a livré ses réflexions. Une contribution intéressante dans la période actuelle, au moment où le HCAAM livre sa version définitive d'un rapport qui a déjà fait couler beaucoup d'encre.

 

Si l'on faisait de la prévention un véritable axe partenarial RO-RC ?


Alors que nous tentons péniblement de sortir d’une pandémie dont nous subissons encore les résurgences successives, il semble être déjà l’heure de tirer des leçons structurelles et structurantes sur l’organisation de notre système de santé et de protection sociale. Pas pour proposer une forme de radicalité centralisatrice et hégémonique que d’aucuns souhaiteraient rendre programmatique, à la veille d’échéances électorales cruciales pour notre pays. Pas plus que pour revoir cette organisation à travers l’unique lorgnette financière, alors que les défis systémiques ne se situent pas ici, dans une France qui bénéficie des restes à charge parmi les moins élevées du monde, malgré les efforts évidents qu’il reste à fournir sur le sujet.


Non, ce n’est clairement pas de propositions dogmatiques et beveridgiennes que notre système de santé et de protection sociale a besoin. C’est en réalité à la question suivante, bien plus profonde, que nous devons désormais répondre collectivement : comment faire, pour les 30, 40 et 50 prochaines années, pour augmenter l’espérance de vie en bonne santé de nos concitoyens, laquelle stagne, alors que l’espérance de vie continue de progresser ?


Face à cet immense défi, la logique extrêmement curative de notre système de santé et de protection sociale ne saurait suffire. Elle démontre d’ailleurs des limites de plus en plus prégnantes. La prévention doit donc désormais (enfin !) devenir notre boussole commune. Nul besoin de revenir sur ses bienfaits et ses vertus, décrites depuis de nombreuses années par d’éminents spécialistes, sur un nombre considérable de spécialités médicales, de pathologies et de sujets sociaux et sociétaux.


Mais si la prévention est si bien décrite et a été l’objet d’incantations politiques régulières jusqu'à aujourd'hui, force est de constater qu’elle ne constitue toujours pas le « cœur du système ». En réalité, nous la touchons tout juste du doigt. Ce n’est pas ici faire injure aux gens qui agissent au quotidien : ils le font avec une volonté et un engagement sans faille, mais en réalité avec les faibles moyens que notre système met à leur disposition et dans une organisation qui ne les place pas au juste niveau.


Alors que certains préféreraient le simplisme organisationnel d’un opérateur unique, d’autres font le pari que la diversité des acteurs du système de santé et de protection sociale constitue une véritable richesse, dans laquelle puiser pour faire de la prévention notre nouveau pilier commun, au service de la santé des Français.


C’est sur les fonts baptismaux de cette logique préventive que doit se construire une nouvelle articulation entre le régime obligatoire et le régime complémentaire, basée sur une relation partenariale renforcée, plutôt que sur une forme strictement délégataire. Il s’agit alors de remettre la notion de « complémentarité » dans son acception originelle, trop longtemps dévoyée. Car les acteurs du régime complémentaire (au premier chef desquels les mutuelles) ont en réalité beaucoup à apporter au régime obligatoire sur les questions de prévention.


Pour une part non négligeable d’entre eux, ils se sont construits autour d’une logique affinitaire, qu’elle soit géographique, professionnelle, « populationnelle » ou confessionnelle. Fruits de cette approche singulière, les acteurs complémentaires ont acquis une connaissance particulièrement fine de leurs adhérents (ou assurés pour les acteurs lucratifs), avec lesquels ils ont noué des liens de proximité et au quotidien.


Au-delà, le mouvement mutualiste est intrinsèquement composé de ses adhérents, qui en assurent sa gouvernance, comme ce peut être le cas dans une autre forme des institutions de prévoyance, paritairement gérées par les partenaires sociaux qui assurent la gestion des branches professionnelles auxquelles lesdites institutions se rattachent.


En ce sens, les organismes complémentaires sont une richesse pour notre système de santé et de protection sociale, alors qu’ils accompagnent nos concitoyens tout au long de leur vie, de leur naissance jusqu’à leur décès.


Dans cette nouvelle stratégie préventive, l’assurance-maladie obligatoire ne saurait avoir une approche « populationnelle » aussi fine que peuvent l’avoir les complémentaires de santé et cela ne doit en réalité pas être son rôle. Il est donc temps d’envisager la construction de nouveaux partenariats et d’engagements mutuels entre ces acteurs, obligatoire d’une part, et complémentaires de l’autre, pour mener des actions de prévention générales autant que ciblées, à tous les moments de la vie et auprès de chacun d’entre nous. Ces nouveaux partenariats doivent bouleverser le pilotage actuel du système. Alors que les organismes complémentaires peuvent parfois à défaut être considérés comme des variables d’ajustement du régime obligatoire, ils doivent désormais être directement inclus dans le pilotage et la construction des politiques publiques. Pas dans une volonté de s’imposer au système mais d’apporter une contribution éclairante, complémentaire à celles des autres parties prenantes, qu’ils soient l’assurance-maladie obligatoire, les professionnels de santé, les élus locaux et nationaux etc.


Les capacités d’innovation et de mise en œuvre opérationnelle des organismes complémentaires seront alors directement au service de ces politiques publiques, qu’ils auront participé à co-concevoir, lesquelles fixeront des priorités clairement établies en tenant compte des données, informations et projections que chacun apportera aux autres.


Nos politiques publiques doivent se nourrir des débats et de la pluralité des points de vue, jamais d’une vision unique. En réalité, les organismes complémentaires n’ont pas attendu une révolution systémique pour poursuivre les objectifs des politiques de santé publique. Ils l’ont fait, en les anticipant parfois, voire en les inspirant quelques fois. Mais ils l’ont fait sans que cela ne soit le fruit d’une démarche partagée, qui les engage avec le régime obligatoire sur des objectifs de santé publique communs, contrôlés, suivis et envisagés sur le temps long.


C’est ici l’enjeu central d’un nouveau partenariat régime obligatoire-régime complémentaire au service de la santé de nos concitoyens. Une telle approche rendra par ailleurs indispensable de revisiter nos logiques de pilotage. La prévention, enjeu du long terme, ne passera pas l’épreuve du strict exercice budgétaire annuel que nous connaissons. D’autres indicateurs devront être co-construits et mesurés, notamment sur l’ensemble des externalités positives produites par les actions préventives menées par tous.


Cette nouvelle méthode de calcul doit impliquer une révision de la structure des comptes de la Sécurité sociale et de ceux des organismes complémentaires, y compris dans les règles de solvabilité qui doivent dépasser la seule conception financière. L’utilité sociale, environnementale et sanitaire doivent faire partie d’un nouveau système de pensée.


C’est donc une transformation en profondeur qu’il faut opérer. Confiance, contractualisation et action conjointe en seront les maîtres-mots.


En somme, il s’agit ici de repenser notre système de santé et de protection sociale, dans son ensemble, en inversant nos priorités : la prévention avant le soin. Le tout en faisant le pari que la réussite et la résilience de cette révolution seront celles de notre richesse collective, issue de notre diversité et d’une saine complexité.

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