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31 / 05 / 2022 | 998 vues
François Cardin / Membre
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Quels sont les secteurs économiques les plus susceptibles de céder aux sirènes de la corruption et comment s’en prémunir ?

Certains secteurs d’activités sont plus exposés que d’autres à la corruption. Pour prévenir les risques, détecter les problèmes et les traiter, la norme internationale anti-corruption ISO 37001 fait, depuis 2017, la preuve de l’efficacité d’un système universel et reconnu dans le monde entier. Explications.

 

La corruption, un mal bien connu

 

 

Malgré les engagements pris depuis plusieurs années par de nombreux pays, la corruption reste un mal bien réel. Deux ans après le début de la pandémie, l’Indice de perception de la corruption (IPC) 2021 de Transparency International montre que la situation dans ce domaine continue à stagner. Selon cet indice, qui mesure le niveau de corruption dans le secteur public, perçu par les experts et les milieux d’affaires, 154 pays sur 180 (86 %) ont reculé ou n’ont enregistré aucun progrès notable dans la lutte contre la corruption au cours des dix dernières années.

 

Aujourd’hui, les deux tiers des pays (123 sur 180) font toujours face à une « corruption endémique ». Mais les pays les plus vertueux ne sont pas pour autant immunisés ni exempts de responsabilité dans la persistance de la corruption au niveau international. Car ils restent, selon l’ONG, « peu regardants quand il s’agit de commercer avec des dirigeants corrompus, soucieux de consolider leurs richesses illicites au détriment de l’intérêt général de leurs concitoyens ». En 2016, le Parlement européen plaçait ainsi la fourchette haute du coût de la corruption pour l’Union européenne à 1.000 milliards de d’euros, soit 6,3 % de son PIB.

 

En 2021, les pays les mieux classés sont le Danemark, la Finlande et la Nouvelle-Zélande. A l’opposé, le Soudan du Sud, la Syrie et la Somalie restent au bas de l’échelle. Les pays en proie à des conflits armés ou sous un régime autoritaire obtiennent en général les scores les plus bas, comme le Venezuela, le Yémen, la Corée du Nord, l’Afghanistan, la Libye, la Guinée équatoriale et le Turkménistan.

 

La France figure à la 22e place de ce classement et fait partie des pays où la lutte contre la corruption n’a pas progressé depuis dix ans. Et ce, malgré la dynamique initiée depuis 2012, avec la loi Sapin 2, la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), de l’Agence française anticorruption (AFA), du Parquet National Financier (PNF), de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCCIFF), mais aussi d’outils tels que la Convention judicaire d’intérêt public (CJIP), le statut protecteur des lanceurs d’alerte ou un mécanisme de restitution des avoirs issus des « biens mal acquis ». Le problème reste le manque de moyens : le PNF, par exemple, ne compte que 18 magistrats et 7 assistants spécialisés, 13 greffiers et 3 adjoints pour traiter quelque 600 affaires.

 

Exposition au risque de corruption : cinq secteurs sensibles

 

La corruption touche tous les secteurs, mais certains sont particulièrement exposés à ce risque. Une étude du cabinet Grant Thornton, intégrant à la fois la perception des entreprises et des données sur les affaires de corruption recensées depuis 2014, met ainsi en lumière cinq secteurs sensibles : l’industrie manufacturière de pointe (automobile, informatique, etc.) ; les industries extractives (ressources naturelles minérales, hydrocarbures) ; l’industrie manufacturière lourde (chimie, plastique, gaz, électricité) ; la construction ; les services financiers et d’assurance. Viennent ensuite l’administration publique, l’immobilier, les activités extraterritoriales, le commerce de gros et de détail, les transports et l’entreposage, l’information et la communication, les activités scientifiques et techniques et l’industrie agroalimentaire.

 

Pour certains secteurs, le risque de corruption est bien appréhendé. C’est le cas de l’industrie manufacturière lourde et des industries extractives, pour lesquelles la perception du risque est en phase avec la réalité des dernières années. Dans ces deux secteurs, 70 % des entreprises ont fait l’objet d’articles de presse négatifs liés à la corruption. Dans l’industrie manufacturière de pointe, le risque semble en revanche sous-estimé, alors que c’est un secteur très exposé en termes d’informations négatives, de condamnations et de radiations. Dans d’autres activités, comme la construction, le risque de corruption semble au contraire surestimé.

 

Dans l’industrie manufacturière de pointe, 42 % des condamnations enregistrées depuis 2014 proviennent d’Asie et 26 % d’Amérique du Sud, la Chine et le Brésil concentrant le plus de cas. Pour les industries extractives, l’Amérique du Sud est la région la plus à risque : fortement dépendante des matières premières, elle a été le théâtre de 42 % des condamnations. Dans la plupart des cas, les entreprises ont soudoyé des fonctionnaires et des dirigeants politiques via des intermédiaires, les falsifications comptables étant aussi monnaie courante. C’est aussi en Asie que l’industrie manufacturière lourde compte le plus d’infractions (55 %), mais l’Europe est également concernée (23 %). Dans ce secteur, les affaires de corruption sont souvent liées à l’obtention de contrats ou de marchés, les divers pots-de-vin versés au régime de Kadhafi illustrant ces pratiques. Dans la construction, on trouve souvent des cas de corruption directe, de la part de personnes physiques ou de personnes morales.

 

Pour la finance et l’assurance, l’Asie représente 48 % des cas, l’Europe et l’Afrique étant également des zones d’infractions (24 % des cas chacune). Les condamnations concernent souvent de grandes entreprises bancaires, pour lesquelles un schéma récurrent émerge : l’embauche de membres de familles de fonctionnaires étrangers afin d’obtenir en contrepartie des avantages pour la conduite de leurs affaires. L’industrie fiduciaire est aussi un secteur à risque. En 2018, des filiales de la Reserve Bank of Australia ont été condamnées pour des pots-de-vin versés en Indonésie, au Vietnam et en Malaisie, afin de gagner des contrats d’impression de billets. OeBS, la filiale de la banque centrale autrichienne, a également été prise dans un scandale de corruption avec les banques centrales d’Azerbaïdjan et de Syrie... Et en 2019, le poids lourd de l’industrie de l’impression de sécurité De La Rue a fait l’objet d’une enquête par le Serious Fraud Office du Royaume-Uni pour corruption présumée au Soudan du Sud.

 

 

Norme ISO 37001 : une solution efficace et universelle contre la corruption

 

Pour se prémunir contre ces risques, l’industrie fiduciaire mise, comme de nombreux autres secteurs, sur la norme internationale anti-corruption ISO 37001, mise en place en 2017. Oberthur Fiduciaire, le n°2 mondial de l’imprimerie privée de haute sécurité, fait d’ailleurs partie avec Alstom ou le Crédit Agricole des premières entreprises françaises certifiées ISO 37001 en France. « Nous pensons qu’il est essentiel d’adopter des normes internationales établies par des tiers de confiance. Les normes ISO que nous avons mises en place sont, à mon avis, des arguments beaucoup plus pertinents que toutes les déclarations que nous pourrions faire », estime ainsi Thomas Savare, PDG d’Oberthur Fiduciaire. Depuis, de nombreuses entreprises de divers secteurs ont emboîté le pas de ces pionniers, comme Engie, Saur, Systra, Egis, GTT, Sofrecom, bpifrance ou Thales, et même la Région Ile-de-France en juillet 2021. Dans le monde, on compte plus de 1.000 entreprises certifiées.

 

Beaucoup de pays ne disposent pas encore de législation forte pour lutter activement contre la corruption qui gangrène les échanges internationaux. D’où l’intérêt d’une norme mondiale et universelle, reconnue de tous. D’autant que les entreprises sont sollicitées par un nombre croissant de parties prenantes en matière de lutte anti-corruption : autorités administratives et judiciaires, clients, partenaires, institutions financières internationales, assurance-export, banques, investisseurs… Pour le PDG de Thales, Patrice Caine, « la certification à la norme ISO 37001 témoigne de la mise en place d’un dispositif de conformité exigeant, reflet de l’engagement et la détermination dans la lutte contre la corruption. Elle contribue à renforcer la confiance de l’ensemble des parties prenantes ».

 

Reconnue par 163 pays, cette norme est aujourd’hui le standard anticorruption de référence à l’international. Elle permet aux entreprises de construire un véritable système de management anti-corruption conforme aux exigences des conventions internationales et des multiples lois nationales : Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) aux États-Unis, UK Bribery Act au Royaume-Uni, Loi Sapin 2 en France, conventions de l’OCDE… Elle revêt un intérêt particulier pour les PME et les ETI françaises de moins de 500 salariés, qui ne sont pas encore assujetties à la loi Sapin 2.

 

La norme ISO 37001 est conçue pour être applicable à tous les types d’organisations, publiques ou privées, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité, dans n’importe quel pays, et pour tout type de corruption que l’on peut rencontrer. A l’instar des autres normes de systèmes de management, comme l’ISO 9001 pour le contrôle qualité ou l’ISO 14001 pour le management environnemental, la norme ISO 37001 peut être mise en place de manière autonome ou intégrée à un système de management global.

 

Cartographie des risques, adoption d’une politique anticorruption, désignation d’une personne chargée de superviser la mise en œuvre de cette politique, formation des salariés, évaluation des risques relatifs à certains projets ou partenaires commerciaux, déploiement de contrôles financiers et commerciaux, création de procédures de signalement et d’enquête interne… L’ISO 37001 définit différents critères qu’une entreprise doit satisfaire pour que son dispositif anticorruption soit considéré comme efficace, ainsi qu’une démarche d’amélioration continue. Elle permet ainsi aux organisations de prévenir, détecter et traiter les problèmes de corruption.

 

Cette norme a notamment fait ses preuves dans le secteur financier. La Banque de Chypre, par exemple, a adhéré à l’ISO 37001 pour rétablir sa crédibilité après la crise financière. Sur la voie de la réhabilitation, elle s’appuie aujourd’hui sur de solides systèmes de conformité. « En plus de respecter les lois et réglementations locales, nous nous sommes engagés dans cette transformation spectaculaire en adoptant les meilleures normes et pratiques internationales, les normes ISO 19600 (conformité) et ISO 37001 (anti-corruption) », souligne Marios Skandalis, directeur de la division conformité de la banque.

 

Ce standard universel constitue une solution plus efficace que les efforts individuels et isolés, menés au sein d’une organisation, ou que les normes internes à certains secteurs professionnels, qui ont toujours fini par craquer sous les coups de boutoir d’agents corrupteurs. Au contraire, la norme internationale ISO 37001 fait la preuve de l’efficacité d’une approche concertée et unifiée, où les entreprises du monde entier jouent selon les mêmes règles du jeu.

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