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04 / 11 / 2019 | 170 vues
Didier Forno / Membre
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Fusion PSA Fiat-Chrysler : faut-il se réjouir de ce rapprochement ?

Les deux constructeurs automobiles PSA et Fiat-Chrysler viennent d’annoncer leur fusion. Les constructeurs assurent qu'elle se fera sans fermeture d'usine. Actionnaire de PSA à 12 %, le gouvernement français se félicite de l’opération. Ce rapprochement donnerait naissance à un nouveau géant de l'automobile qui, avec 8,7 millions de véhicules vendus, deviendrait numéro 4 mondial du secteur. Les synergies sont estimées à 3,7 milliards d'euros.

 

Alors, cette opération gagnant-gagnant concerne-t-elle tout le monde ?
 

Une recherche de partenariat qui interroge
 

Le groupe Fiat-Chrysler est aux abois. Après avoir voulu fusionner avec Renault, il y a quelques mois, il se jette dans les bras d’une nouvelle mariée. Cette recherche d’un partenaire semble désespérée, donc inquiétante. La précipitation n’est jamais bonne conseillère…
 

Des fusions dans l’automobile qui ont souvent échoué
 

Le groupe Daimler-Benz s'est marié au constructeur Chrysler en 1998. En février 2007, le divorce était acté. À la fin des années 1990, le groupe Fiat s’alliait (déjà) à General Motors. L’aventure s'est terminée par une séparation en 2005. Volvo a été rachetée en 1999 par l'Américain Ford. En 2008, la marque a été cédée au groupe chinois Geely. Sans parler de Renault-Nissan actuellement dans la tourmente…
 

Des guerres de pouvoir inévitables
 

Les fusions sont toujours présentées par les intéressés comme des opérations d’égal à égal. L’histoire française de ces dernières années comporte de nombreuses opérations de rapprochement, dont la partie française a rapidement été marginalisée.
 

En 2017, le rapprochement entre Technip (entreprise française) et FMC (entreprise américaine) était présenté comme « un mariage entre égaux ». Rapidement, la PME texane a absorbé Technip, pourtant deux fois plus gros qu’elle. Comme l'a dit un ancien cadre de Technip : « C’est le petit poisson qui a pris le contrôle du gros. Pour dire les choses simplement : on s’est fait rouler dans la farine par les Américains ».
 

La fusion de Lafarge et du Suisse Holcim visait à créer un champion mondial du ciment. Là aussi, le rapprochement devait se faire d’égal à égal. Le rapport de force a rapidement penché en faveur d’Holcim et les cadres dirigeants français ont été évincés petit à petit.
 

Autre fusion présentée comme équilibrée, le rapprochement entre Essilor et Luxottica (Espagne). Les tensions concernant la gouvernance sont rapidement montées entre Français et Espagnols…

Des promesses des parties prenantes rarement tenues

Les rapprochements entre entreprises sont toujours présentés comme des opérations gagnantes pour tout le monde : actionnaires, salariés et clients. La réalité est beaucoup moins idyllique. Par définition, l’objectif (principal) d’une fusion est de réaliser des économies. Cela passe inévitablement par une rationalisation de l’outil de production.
 

Il faut rappeler qu’en Europe, les centres de production automobiles sont en en trop grand nombre, en surcapacité et concurrencés par les centres installés dans les pays en développement.
 

Des différences culturelles sous-évaluées
 

On estime qu’environ 50 à 60 % des fusions échouent en raison des différences culturelles des acteurs en présence. Cette difficulté à marier deux cultures d’entreprises est rarement abordée et en tout cas jamais chiffrée.
 

« Le gouvernement sera attentif au maintien de l’emploi »
 

Combien de fois avons-nous entendu ces bonnes paroles ? Des propos identiques avaient été tenus concernant le rapprochement entre Alstom et General Electric. On connaît la suite, avec la suppression de plus de 400 emplois alors que General Electric devait en créer plus de 1 000. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient...
 

Des dirigeants français trop gentils ou trop naïfs ?
 

Contrairement au modèle anglo-saxon, le capitalisme à la française est fortement imprégné d’une approche sociale des relations humaines (pour combien de temps encore ?). Les dirigeants français sont donc rapidement en position de faiblesse, dans une opération de fusion transnationale. Dans le cadre d'une restructuration, ils ont des états d’âme, que nombre de dirigeants étrangers n’ont pas. Ils se retrouvent vite isolés.
 

Enfin, dans un contexte de capitalisme mondialisé sans règle, ils font sans doute preuve d’une certaine naïveté.
 

La fusion, un exercice délicat
 

Fusionner des sociétés n’est pas anodin. De nombreux paramètres entrent en ligne de compte. Les difficultés sont systématiquement sous-estimées. La désillusion est souvent au bout du chemin et les grands perdants sont en général les salariés.


PSA s’engage sur un chemin long et semé d’embûches. Un premier bilan d’une réussite ou d’un échec de cette opération ne pourra être fait que d’ici 2 ou 3 ans.

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