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20 / 10 / 2015 | 3 vues
Didier Cozin / Membre
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La sécurisation professionnelle n'a rien à voir avec un compte personnel d'activité (1)

Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux se méprennent concernant la sécurisation professionnelle (ou la flexisécurité) qu'ils entendent (naturellement) promouvoir.

Au XXIème, dans la société de la connaissance et de l'information, le travail et la sécurisation professionnelle sont des dynamiques, loin des modèles traditionnels et figés du diplôme, de la qualification ou de l'apprentissage ponctuel.

Employabilité, mobilité et formation tout au long de la vie

Le compte personnel d'activité, que prétendent imposer les pouvoirs publics au monde du travail, est un contre-sens social et professionnel : on ne parvient pas à comprendre en quoi accumuler des points lors des contrats de travail successifs permettrait de développer les compétences ou l'employabilité.

La formation est un développement permanent, pas un stockage de pseudo-droits

Un chômeur doit pouvoir se former sans limites s'il « forme » un projet professionnel réaliste et un salarié ne peut pas attendre d'avoir assez de points ou d'heures (durant 6 ou 10 années) s'il doit entreprendre une reconversion professionnelle (c'est tellement vrai que les pouvoirs publics, après avoir lancé un inutile et complexe compteur formation, le torpillent tous les jours en dotant désormais les chômeurs et les salariés de centaines d'heures qui leur manqueraient s'ils devaient se former).

Le social perd tout caractère assurantiel avec les comptes

Le cafouillage, la confusion et la désepoir sociaux guetteront les salariés si on leur refait le coup du CPF (inventer des droits non financés, improviser d'invraisembables systèmes d'informations tout en proclamant que la dernière trouvaille sociale est un indéniable progrès...).

Au XXIème siècle, la formation et la culture ou l'éducation ne sont plus des stocks (qu'on empile dans des musées ou sur des parchemins) mais des flux continuels qu'il s'agit de gérer tout au long de la vie.

Le premier travers du droit individuel à la formation (DIF) a été de promettre aux salariés le stockage de (vaines) heures de formation à la façon d'un livret d'épargne (une épargne de précaution dont on ne fait rien mais qui rassure).

Ce travers d'heures de formation cumulées sur un compte est la principale caractéristique du compte personnel de formation (CPF), ce dispositif infernal qui enferre le monde du travail dans une vision dépassée de la formation (la qualification, la certification, le diplôme, l'éligibilité et le cumul d'heures).

Le CPA nous promet un nouveau retranchement derrrière une ligne Maginot inopérante, celle des droits acquis.

Mélanger tout le social dans des comptes fourre-tout ne peut apporter aucune solution pour notre travail

Additionner des torchons et des balle de tennis n'est pas possible (comme doivent le savoir tous les écoliers) mais c'est pourtant à cette tâche aberrante que les partenaires sociaux sont sommés de s'atteler dans les prochains mois pour le CPA.

Les droits à la retraite, les droits à la formation, les droits aux congés ou à un compte pénibilité n'ont pas grand choses en commun.

La formation ne répond plus aux injonctions mécanistes des années 1960.

Dans la défunte société industrielle, le rôle de la formation professionnelle était marginal et assez facile à cerner :

  • elle permettait de combler les écarts de qualification (on envoyait en formation les supposés incompétents en attendant un miracle) ;
  • elle permettait d'entretenir les compétences des travailleurs les plus qualifiés ;
  • elle représentait une récompense sociale pour les cadres (ou ingénieurs) qui travaillant dur avaient besoin parfois de faire corps ;
  • enfin, elle était activée pour de très rares reconversions professionnelles (un CIF, congé formation pour 500 salariés en moyenne en France).

Depuis, l'avènement de la société de la connaissance la formation (tout au long de la vie) a changé de nature :

  • l'école ne prépare plus à un métier pour la vie (parfois même pas un « petit boulot ») ;
  • le diplôme n'est plus le viatique magique pour une vie professionnelle (il se dévalorise à mesure que le nombre de diplômés est multiplié et que le travail fluctue) ; 
  • le salariat décline irrésistiblement sous les coups de butée des crises, de la globalisation des économies et de la montée en puissance d'internet (uberisation, désintermédiarisation, concurrence entre les systèmes sociaux...) ;
  • les travailleurs ne sont plus des servants de machines mais des êtres intelligents devant développer quotidiennement leur comptétences. Loin du travail vécu comme un enfer ou une sinécure, les salariés doivent donner du sens à ce qu'ils font, à leur itinéraire. Ils doivent pouvoir changer d'employeur, de secteur, de statut social ou professionnel en s'interrogant sur leur seul capital utile : leurs compétences, leur envie de rebondir, leur mobilité, leur capacité d'entreprendre, de relever des défis (individuels comme collectifs).

Si vous ne changez pas de travail, c'est votre travail qui changera.
Face à ces changements nombreux, rapides et irréversibles, notre pays ne peut pas jouer éternellement la pièce de la nostalgie ou se contenter de dérisoires trouvailles règlementaires comme le CPF ou le CPA.

Changer les lois formation tous les 5 ans éloigne les Français du travail 

Il ne sert à rien de donner tous les 5 ans dans l'incantatoire et convenu discours : « les travailleurs les moins qualifiés sont ceux qui se forment le moins », sans se demander si les problèmes de formation en France ne sont pas des problèmes plus larges qui ont trait à l'école, à la valeur travail, au gâchis des talents, à l'absence de mobilités, aux corporatismes et aux rigidité d'une société encore et toujours bloquée.

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