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01 / 03 / 2011 | 3 vues
Denis Langlet / Membre
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L’ordre de la « mondialisation capitaliste » a impérativement besoin de systèmes politiques autoritaires

« De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde » (I). En Tunisie, pays de prédilection des délocalisations, le soulèvement de tout un peuple a renversé le Président Ben Ali, qui a quitté le pouvoir le 14 janvier. La répression violente, le soutien au régime des puissances occidentales jusqu’aux derniers jours n’auront pas suffi.

  • Deux responsables politiques à « l’honneur » : Michèle Alliot-Marie, qui a proposé aux premiers jours du soulèvement du peuple tunisien, d’envoyer dans ce pays des forces de l’ordre en soutien à Ben Ali. Dominiqu Strauss-Khan, qui a déclaré à Tunis le 18 novembre 2008 à l’occasion d’une conférence du FMI avec Ben Ali : « La Tunisie est un bon exemple à suivre pour beaucoup de pays qui sont émergents ».

Un régime dictatorial et miné par la corruption, la crise économique, le rejet par le peuple et la jeunesse de la répression et de l’austérité ont ouvert les portes de la révolution.

Le 11 février, après trois semaines de manifestations, c’est le peuple égyptien qui a provoqué le départ du Président Moubarak. Puis c’est au tour de la Libye…

Commencée en Islande (II), la réplique des travailleurs et des peuples à l’offensive capitaliste conséquente à la crise financière s’est étendue les semaines précédentes en Europe. Ainsi, se sont succédées les grèves et les manifestations en Grèce, le conflit des retraites en France, la grève générale en Espagne, d’immenses manifestations au Portugal, l’imposante manifestation du peuple irlandais le 27 novembre 2010 à Dublin contre le paiement de la « dette publique » et l’austérité exigée par l’Union européenne et le FMI.  

  • L’ordre de la « mondialisation capitaliste » a impérativement besoin de systèmes politiques autoritaires, de dictatures garantissant au capital financier le pillage des ressources naturelles, des matières premières et la surexploitation des travailleurs.

La Tunisie, pays d’accueil des délocalisations en provenance des pays industrialisés, est caractéristique de cette situation. Avec la révolution en Tunisie s’amorce une nouvelle période historique mettant au centre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

  • Les « atouts » de la Tunisie. Pays proche géographiquement du marché européen, un des plus importants au monde, bas coûts salariaux, cadre législatif et juridique favorable à une circulation rapide et peu coûteuse des marchandises et des capitaux sont les trois principaux « atouts » mis en avant par les autorités tunisiennes elles-mêmes depuis des années. La Tunisie a été classée premier pays d’Afrique du Nord, trois années consécutives (2006 à 2008) et au 36ème rang sur 134 pays, en 2009, pour sa capacité à accueillir les centres délocalisés des grands groupes internationaux, classement émis par le Forum Économique Mondial. De grandes zones industrielles, aménagées par cette terre d’accueil, sont mises à la disposition des multinationales. Elgazole est le pôle technologique situé à la périphérie de Tunis, avec au moins 80 sociétés étrangères implantées, et la zone nommée Sousse, à Sfax. Sur un total de 100 000 m2, ces zones regroupent les usines ou centres des grandes entreprises du textile, de la confection, de l’industrie du luxe, de celle de la mécanique, électronique et des composants automobiles et avions (airbus). S’y côtoient donc les entreprises Ericsson, Alcatel-Lucent, Microsoft, Siemens, Philips, General Electric, Sagem, Bull, Pirelli, Lacoste, Hugo Boss, Naf Naf, Diesel, Celio, Calvin Klein etc. Récemment, la division électronique du groupe équipementier automobile Continental a implanté une usine dans la zone de Tunis, résultat de la délocalisation des activités de celle de Rambouillet en France. Cette attractivité, comme disent les spécialistes, des investissements étrangers est le produit d’un environnement favorable à la politique de réduction des coûts, dictée par les actionnaires à ces groupes industriels. Car les salaires ouvriers en Tunisie tournent autour de 150 euros par mois. Dans une récente implantation du groupe Sagem, les salariés sont si faiblement payés que nombreux sont ceux à ne prendre à la cantine qu’un plateau repas pour deux ! À la question « pourquoi acceptez-vous de travailler ici ? », un ouvrier embauché dans la nouvelle usine de Continental a répondu : « Pour ça, il ya une réponse magique : c’est toujours mieux que rien ! ». La poigne de fer du régime Ben Ali garantissait aux multinationales, au capital financier international des conditions de surexploitation favorables à la préservation des marges de ces sociétés. Les délocalisations ne sont pas facteur de développement mais de surexploitation des travailleurs. 

En Tunisie, comme dans chaque pays, les travailleurs et les peuples se dressent contre cette gigantesque spoliation et cherchent ouvertement à s’ouvrir la voie d’une assemblée constituante garantissant la reconquête de la souveraineté et de la démocratie, dont le droit pour la classe ouvrière de faire valoir et défendre ses intérêts, de disposer de syndicats.

Même au Bahreïn, les syndicats ont fourni avec leurs structures locales et de base des points d’appuis essentiels à la mobilisation des masses et permettant aux travailleurs d’occuper la place centrale qu’il leur revient comme classe sociale « n’ayant rien à perdre ».
Cette vague va embraser le monde entier. Malgré la mitraille et la violence barbare, bravant avec un courage sans limite les autorités, cette vague de révolutions ne manquera pas de traverser le Moyen Orient jusqu’à l’Asie et bouleversera l’Europe. Comme la crise, elle touchera le monde entier à un rythme que nul ne peut prévoir mais avec la force et l’intensité données par l’unité du marché mondialisé. Bien sûr, le renversement du régime de Moubarak en Égypte va immédiatement déstabiliser le dispositif anti-palestinien, Israêl et toutes les forces politiques, dont au premier rang la direction actuelle de l’OLP, le
Hamas et la Syrie. « Presque tous les systèmes autoritaires seront affectés par la vague de protestation » a déclaré le 31 janvier 2011, le Prince marocain Moulay Hicham.  
La Chine et les États-Unis seront aussi au cœur de cette tempête. La puissance de cette réplique des peuples à la volonté des gouvernements de leur faire supporter le poids de la crise ouvre une période historique inédite. Elle entraînera une accélération de la débâcle américaine en Irak et constitue d’ores et déjà un levier pour le rétablissement de la souveraineté de l’Irak.

L’autre pays qui ne manquera pas d’être bouleversé, c’est la Chine. La Chine réunit toutes les conditions pour une explosion sociale sur les mots d’ordre « tunisiens », on veut de la nourriture, un travail, un toit et la liberté de les revendiquer. La défense de la propriété collective contre sa spoliation par les dirigeants nationaux au compte de leur
propre enrichissement ostentatoire et des multinationales sera au centre des exigences des soulèvements ouvriers. Déjà, la manière dont les autorités chinoises ont réagi à l’appel lancé sur internet à manifester dans 13 villes chinoises ce dimanche 20 février montre « combien la police craint que la révolution de jasmin puisse influencer la stabilité sociale en Chine » (III).

Aux États-Unis même, la réplique des travailleurs du public et du privé grandit. En témoigne la puissante manifestation des fonctionnaires du Wisconsin du 19 février dernier. Pour la défense de leurs conventions collectives, ils ont envahi et occupé le Capitole de Madison, capitale de l’État.
                                                   
I - Cette phrase du célèbre écrivain Goethe, exprimée le soir du 20 septembre 1792 pour saluer la victoire de Valmy, a été reprise par la presse évoquant la chute du président tunisien Ben Ali.
II - En Islande, le refus du paiement de la dette reste une priorité. La nouvelle Assemblée Constituante, composée de 25 citoyens et installée depuis le 27 novembre 2010, doit réécrire la constitution de 1944 en fonction de la nécessité de se protéger de la domination de la finance privée.
III - Citation de la déclaration de l’avocat Li Jinsong à l’AFP le 20 février 2011.

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