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02 / 11 / 2021 | 123 vues
Michel Beaugas / Abonné
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État d’avancement de la négociation interprofessionnelle relative à la formation

Depuis le mois de février dernier, un processus de négociations au niveau national interprofessionnel (ou agenda paritaire autonome) est engagé entre les confédérations syndicales représentatives et les organisations patronales. Celui-ci a pour but de préserver la capacité de négocier et de contracter sur les sujets que nous voulons empêcher le gouvernement de s’emparer en lieu et place des interlocuteurs sociaux.


Notre confédération avait mis à son engagement comme préalable dans ce processus pour que celui-ci ne mène pas à une démarche de « diagnostic partagé » visant à une « co-construction » avec le gouvernement, mais bien à de véritables négociations débouchant sur la possibilité d’accords nationaux interprofessionnels, porteurs de progrès des droits des salariés. Il s’agit pour nous de défendre la place de la négociation et de la pratique contractuelle, du paritarisme, contre la tendance à l’étatisme social renvoyant la négociation aux seuls niveaux de l’entreprise (loi sur le travail et ordonnances de 2017).


L'un des sujets importants retenus est celui de la formation professionnelle, dont l’ensemble des interlocuteurs (pour des raisons qui peuvent cependant différer) contestent nombre de dispositions issues de la loi du 5 septembre 2018.


Jusqu’alors, le gouvernement qui entendait à nouveau agir voire légiférer a été contraint de laisser la négociation se mener. A fortiori dans le contexte actuel de crise sanitaire, qui a vu le déploiement d’aides publiques massives, notamment destinées à éviter un chômage massif immédiat des jeunes (prime à l’embauche, apprentissage et alternance), la négociation n’a pas pris un rythme rapide et concluant.


Dix premières séances d’évaluation et de discussions ont mené à 49 propositions, avant de travailler à un projet d’accord dont on percevait à ce stade qu’il serait difficile à atteindre.


Dans ces conditions, notre organisation a privilégié l’idée d’aller à un accord cadre qui renverrait à la négociation thème par thème. Notre objectif est à la fois d’éviter de se retrouver enfermé dans une logique de « donnant-donnant », sachant que, sur certains aspects, trouver un accord sera compliqué, et de garder la main en poursuivant la négociation.


La séance de négociation du 14 octobre 2021 a ainsi débouché sur un accord cadre qui fixe le programme des sept futures négociations. 



Tous les thèmes de l’accord cadre sont renvoyés à la négociation, de fin novembre 2021 jusqu’à la fin du premier semestre 2022, c’est-à-dire au-delà des élections, présidentielle et législatives. L’accord cadre n’est donc pas producteur de dispositions en lui-même. Certaines formulations sont générales et peuvent prêter à interprétations contradictoires. Nous nous sommes attachés à ce que l’on y trouve celles que nous entendons défendre.

 

Nous avons particulièrement insisté sur les qualifications, associées à une réelle évolution professionnelle, c’est-à-dire à une progression dans les grilles donc les carrières et salaires, quand les employeurs tendent trop souvent à mettre l’accent sur les compétences, comme nous avons appuyé le niveau de la branche.

 

Nous avons aussi appelé à distinguer la formation professionnelle dans le cadre de l’emploi et de la formation professionnelle initiale délivrée par l’Éducation nationale. Il y aura là un enjeu important des discussions et négociations qui impliquent l’État quant aux moyens et à la promotion de la filière professionnelle. Nous avons aussi mis en avant que l’AFPA ait toute sa place dans l’offre et l’utilisation efficace du CPF, en lien avec la nécessité de recentrer celui-ci sur les formations professionnelles qualifiantes et nous y serons attentifs.

 

Nos analyses et observations



Titre 1 - Durablement encourager le recours à l’apprentissage


Le recours à l’alternance se développe de fait, y compris post-études supérieures (plus de 50 % des apprentissages se font par ailleurs post-bac). Beaucoup de jeunes y voient la possibilité d’une plus forte insertion professionnelle et à un contrat de travail à durée indéterminée.


Sur cette partie, nous n’avons eu de cesse à ce qu’on n’oppose pas CFA et lycée professionnel et que chaque spécificité soit préservée.


Nous avons pu obtenir la généralisation de la certification des maîtres d’apprentissage et tuteurs, ainsi que la proposition de créer une passerelle entre CFA et lycée professionnel pour tous les jeunes qui ne trouvent pas un contrat de travail après trois mois en CFA, afin qu’ils ne se retrouvent pas démunis et sans aucune perspective et qu'ils puissent poursuivre leur scolarité dans la voie professionnelle initiale. Nous avons également refusé la fusion des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation qui ont tous deux des objectifs différents.


L’essentiel à retenir de ce titre 1 est que « les parties signataires identifient trois enjeux prioritaires : améliorer les dispositifs d’orientation vers l’apprentissage, renforcer l’accompagnement des jeunes et soutenir l’innovation pédagogique des CFA ». La négociation portera sur ces aspects et nous avons clairement indiqué que nous serions bien sûr attentifs à ce que nos réserves soient respectées, tout en travaillant à porter des revendications en faveur de la voie professionnelle de l’éducation nationale.



Titre 2 – Professionnaliser l’utilisation du CPF

Sur cette partie, nous avons été entendus sur la nécessité de recentrer le CPF sur des formations qualifiantes et certifiantes qui permettent aux salariés des progressions de carrières et de salaire et de pouvoir, à leur initiative, évoluer soit dans l’entreprise, soit par une reconversion professionnelle.


En effet, notre organisation syndicale dénonce la dérive consumériste du CPF, conséquence de sa monétisation et du manque d’accompagnement associé, avec un recours au démarchage publicitaire par de nombreuses boîtes de formation, dont les cursus proposés n’ont rien à voir avec la qualification des salariés : les formations les plus suivies étant le permis de conduire, les langues (notamment l’anglais) et des certifications et habilitations obligatoires normalement à la charge des entreprises, et les logiciels de bureautiques et les formations à la création d’entreprises.


Ces dérives mènent à grever le budget de la formation professionnelle qualifiante et pénalisent ainsi la formation des salariés dans les entreprises.


Le CPF ne doit pas être un substitut à des salaires insuffisants permettant aux salariés de passer le permis de conduire ou de suivre des formations à des fins personnelles et de loisirs, sans lien direct avec leur emploi et parcours professionnel.


Dans ce titre, la nécessité de donner plus de visibilité au conseil en évolution professionnelle (CEP) est mise en avant, avec un recours systématique pour les formations hors répertoire (RNCP). FO revendique le passage obligatoire par le CEP dès lors qu’on active son CPF pour choisir les formations de façon éclairée. Nous associons la nécessité d’un abondement par l’employeur à cela afin d’améliorer la qualité du parcours de formation.


Une simplification de l’accès à la VAE et la nécessité d’encadrer les nouvelles modalités de formation sont également actées.



Titre 3 – Faire du développement des compétences des salariés un enjeu stratégique pour les entreprises.


Cette partie vise à ce que le développement des compétences soit associé à la stratégie globale des entreprises. Nous avons fait préciser dans l’introduction que la négociation devrait, à nos yeux, porter sur les qualifications, donc sur l’évolution professionnelle des salariés (cf. titre suivant).


Dans cette partie, notre organisation porte le triptyque négociation de branche (GEPP), négociation du plan de développement des compétences (entreprises) et entretien professionnel (salariés) pour que la négociation et l’information sur la formation professionnelle s’exercent à tous les niveaux.



Titre 4 – Simplifier et améliorer l’efficacité du système de certification


Dans cette partie, un travail de clarification sur les notions de compétences, de qualifications, et de certifications sera engagé à notre demande, ce que le MEDEF refuse depuis plusieurs années. Une simplification de la VAE est prévue avec un point de vigilance pour FO : que simplification ne rime pas avec fin de l’obtention du diplôme. De même, nous veillons aux notions de blocs de compétences dans les futures discussions et nous revendiquerons que les qualifications obtenues soient reconnues dans les classifications et permettent des évolutions de salaires.



Titre 5 – Créer les conditions d’un pilotage éclairé de la formation professionnelle


Cette partie des travaux entend développer un lieu national d’expertise et de regroupement de tous les travaux des observatoires des métiers (OPMQ) pour mutualiser les ressources et ainsi anticiper les besoins de main d’œuvre et des qualifications nécessaires pour pourvoir ces postes. Ces données devront être accessibles le plus largement possible.


Un chapitre est consacré à la gouvernance de France Compétence où, aujourd’hui, l’État décide de tout, seul, par le jeu de sa majorité en nombre de voix au sein du conseil d’administration. Depuis le départ, nous revendiquons une meilleure répartition des voix entre les interlocuteurs sociaux (fin du poids de la représentativité) et un meilleur équilibre (50-50) avec les voix de l’État.



Titre 6 – Financement


Il faut rappeler que le déficit de France Compétence sera de 3 à 4 milliards d’euros d’ici la fin 2021. Il n’a pas été facile de mettre la révision globale du système de financement de la formation professionnelle au calendrier des futures négociations, ce qui inclut la contribution des entreprises, qui, pour nous, doit être augmentée afin que le financement de la formation professionnelle ne profite pas presque exclusivement à l’apprentissage. Ce sera l'un des points durs des négociations, sur lequel nous n’entendons rien lâcher.



Titre 7 – Poursuivre le chantier des transitions professionnelles


Le constat est que ce dispositif ne fonctionne pas. Le fonds est doté de 500 millions d’euros pour 70 dossiers déposés à ce jour. Nous ne pouvons pas laisser faire le gouvernement qui a unilatéralement décidé d’ouvrir le dispositif aux RCC, alors que le dispositif devait, pour nous, exclure les processus de suppression d’emplois menant au chômage. Ce dispositif doit permettre des vraies reconversions professionnelles avec une sécurisation des parcours. Il doit conduire à empêcher les destructions d’emplois. C’est ainsi qu’il sera plus attractif.

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