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13 / 10 / 2025 | 28 vues
Gérald Gautier / Membre
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Accord d’intéressement et accidents du travail : Quand la prime se transforme en piège

De plus en plus d’entreprises conditionnent l’intéressement à la baisse des accidents du travail. Derrière la promesse d’une prime, un danger : pression sur les victimes, sous-déclaration des accidents et transfert de responsabilité vers les salariés.

 

Certaines entreprises insèrent, dans leur accord d’intéressement, une carotte financière liée à des critères de performance à atteindre, parmi lesquels figure la réduction du nombre d’accidents du travail avec arrêt. Sur le papier, l’idée peut sembler séduisante : dans un contexte de salaires bloqués, une prime supplémentaire attire forcément. Mais en réalité, ce mécanisme transfère aux salariés une responsabilité qui relève de l’employeur.

 

Une clause dangereuse et impossible à maîtriser

 

Avec cette clause, les entreprises associent la performance commerciale collective à la responsabilité individuelle des salariés, alors même que ces derniers ne disposent pas toujours -  pour ne pas dire rarement - de moyens nécessaires pour éviter ces accidents. Si l’employeur ne respecte pas ses obligations en matière de prévention et de sécurité, l’objectif devient inatteignable. La clause se transforme alors en chantage financier.


Conséquence directe : les victimes d’accidents du travail peuvent subir des pressions pour ne pas déclarer leur accident, que ce soit de la hiérarchie ou parfois de collègues. Certains finissent par opter pour un arrêt maladie classique plutôt qu’un arrêt pour accident du travail. Mais cela leur coûte  : indemnités journalières réduites, délai de carence, et aucune garantie de toucher l’intéressement au final.

 

Résultat : un risque sanitaire et financier pour les salariés, qui n’en mesurent pas toujours les conséquences. 

 

Un contexte de régression sociale


Cette pratique est d’autant plus préoccupante qu’elle s’inscrit dans un contexte plus large. Le Gouvernement envisage de réduire certaines prestations sociales, notamment en augmentant les jours de carence. Autant de mesures qui fragilisent encore la protection des salariés, renforçant ainsi la pression qui pèse sur eux au travail tout en épargnant le patronat.


Lier l’intéressement à la baisse des accidents du travail revient par ailleurs à détourner l’obligation légale de sécurité (voir encadré) et à faire porter aux salariés les manquements de leur employeur.



Autre difficulté : la négociation de ces accords peut être menée uniquement avec le CSE, même en présence de délégués syndicaux (article L. 3312-5 du Code du travail). Cette particularité fragilise la place des syndicats dans la défense des salariés sur ces sujets essentiels 

 

Notre organisation syndicale appelle ses élus et mandatés à refuser fermement ces clauses d’intéressement. La sécurité relève de l’employeur. Elle ne doit jamais dépendre du portefeuille des salariés

 

La sécurité doit rester une obligation légale de l’employeur

L’article L. 4121-1 du Code du travail impose à l’employeur, sans aucune équivoque, une obligation stricte de sécurité pour protéger la santé des salariés. Le non-respect de cette obligation engage sa responsabilité civile et pénale. Pour être légitimes, les critères d’intéressement doivent rester objectifs, mesurables et réalistes. En l’absence d’une politique sérieuse de prévention, un objectif de réduction des accidents devient inatteignable. Cette clause déséquilibre l’accord et encourage insidieusement la sous-déclaration. Attention donc à ne pas inverser la balance.

 

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