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28 / 06 / 2016 | 28 vues
Samuel Gaillard / Membre
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Contrats conclus par le CE et code de la consommation : l’heureux revirement de la Cour de cassation

Quatre mois à peine après un premier arrêt rendu sur le sujet par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 février, qui avait jugé que le comité d’entreprise ne pouvait revendiquer la qualité de non professionnel au regard du code de la consommation, la première chambre civile vient de prendre l’exact contre-pied de la chambre commerciale par un arrêt de revirement rendu le 15 juin 2016 (p n°15-17369).

  • Un tel revirement en un si bref délai est rare ; il mérite d’être souligné.

Dans ces deux affaires, la question était de savoir si un comité d’entreprise pouvait se prévaloir, vis-à-vis de ses prestataires, de l’article L. 136-1 du code de la consommation qui impose au « professionnel prestataire de services » l’obligation d’informer son co-contractant « par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite », obligation sanctionnée par la possibilité du non professionnel (en l’espèce le comité d’entreprise) de pouvoir mettre fin à tout moment au contrat.

« Incident de parcours »

Étonnamment, la chambre commerciale de la Cour de cassation (dont on peut d’ailleurs s’étonner de comment elle avait pu être amenée à trancher ce litige qui relève normalement des juridictions civiles) avait répondu par la négative en assimilant ainsi le comité d’entreprise à un « vulgaire » professionnel.

Quatre mois après cet arrêt du 16 février, la première chambre civile rectifie donc le tir par son arrêt du 15 juin. Il n’échappera à personne que l’arrêt de la première chambre civile du 15 juin est un arrêt « publié », à l’instar de l’arrêt de la chambre commerciale du 16 février. Cela démontre bien la volonté de la première chambre civile, qui est le juge naturel dans ce type de dossier, de montrer que l’arrêt de la chambre commerciale n’était qu’un « incident de parcours » dont il convient désormais de ne plus tenir compte.

La qualification de « professionnel » par la chambre commerciale pouvait en effet apparaître quelque peu étonnante pour les civilistes et plus particulièrement pour les praticiens de la matière sociale.

Le comité d’entreprise est composé de salariés élus :

  • qui ne perçoivent pas la moindre rémunération dans le cadre de leurs mandats ; 
  • qui n’ont aucune compétence professionnelle particulière (ou en tout cas ne sont pas censés en avoir une) ;
  • et qui sont élus pour une durée limitée, de sorte que'en l’absence de rappel par le prestataire sur l’arrivée de l’échéance d’un renouvellement de contrat, il est tout à fait possible (voire courant en pratique) qu’il y ait de nouveaux élus n’ayant aucune connaissance des termes approfondis (et parfois peu clairs) des contrats souscrits par leurs prédécesseurs, surtout lorsque ceux-ci n’appartiennent pas à la même majorité syndicale…

Il faut également rappeler (c'est essentiel) que le comité d’entreprise trouve d’abord et avant tout son origine dans l’article 6 du préambule de la Constitution, selon lequel « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».

Enfin, il faut rappeler que dans la quasi-totalité des cas (œuvres sociales), les sommes en jeu ne sont pas celles du comité d’entreprise mais celles des salariés dont le comité n’est que le simple gestionnaire. Autrement dit, lorsqu’il y a condamnation d’un comité d’entreprise vis-à-vis de son prestataire d’œuvres sociales, c’est d’abord et avant tous les salariés qui sont sanctionnés. En ces temps de crise et d’économies salariales, ce n’est pas rien !

Lourd contentieux

L’assimilation faite par la chambre commerciale du comité d’entreprise à un « professionnel » était donc déroutante, tant au regard des principes de droit applicables qu’au regard  des modalités concrètes de fonctionnement d’un comité d’entreprise.

  • En leur reconnaissant la qualité de non professionnels, l’arrêt du 15 juin 2016 permet d’abord aux comités d’entreprise (et donc aux salariés) de se prévaloir de l’article L. 136-1 du code de la consommation pour échapper à des condamnations qui pouvaient atteindre des montants très importants.

La jurisprudence des juges du fond met en effet en évidence de nombreux cas de condamnation de comités d’entreprise à des sommes importantes, correspondant souvent à deux années de prestations non réalisées, tout cela parce que les comités d’entreprises, lorsqu’ils souhaitaient mettre fin à un contrat de prestation de services ou tout simplement changer de prestataire, avaient oublié de procéder dans les délais prescrits à la dénonciation du contrat conclu initialement.

Les contrats litigieux à l’origine de ces condamnations, souscrits généralement pour une durée initiale de deux années, prévoyaient en effet d’une part une clause de tacite reconduction automatique pour le même délai, sauf dénonciation préalable respectant un certain délai de préavis et d’autre part une autre clause imposant le versement intégral du prix pour toute la période reconduite du contrat en cas de dénonciation tardive. Ainsi, si par exemple, un comité d’entreprise décidait de changer de prestataire et qu’il oubliait de dénoncer en temps voulu le contrat initial, il devait payer deux fois la même prestation : avec le nouveau prestataire (pour une prestation réelle) et avec l’ancien (sans la moindre prestation). Cela pouvait très lourdement gréver le budget des œuvres sociales du comité (concrètement, les salariés).

Désormais, les prestataires devront donc attirer l’attention du comité d’entreprise sur l’arrivée proche du terme de la dénonciation sous peine de voir leurs contrats dénoncés à tout moment, ce qui permettra tout d’abord en en pratique de limiter un grand nombre d’oublis. 

 

Clauses abusives

Cette qualification de non professionnel permettra également aux comités d’entreprise de pouvoir se prévaloir en tout état de cause des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation sanctionnant les clauses abusives, même en cas d’oubli de dénonciation.

Les décisions des juges du fond mentionnées ci-dessus, qui, refusant de faire application du droit de la consommation, avaient procédé à de lourdes condamnations de comités d’entreprise sans la moindre réflexion complémentaire, apparaissaient déjà étonnantes au regard du droit général des obligations. Elles apparaissaient étonnantes en raison du principe essentiel lequel le versement d’une indemnité suppose l’existence d’un préjudice, principe rappelé constamment dans les divers ouvrages de doctrine (voir par exemple l’ouvrage des Professeurs Labarthe et Noblot, Le contrat d’entreprise, pages 551 et svt, qui citent notamment un arrêt rendu par la chambre commerciale le 22 octobre 1996 n° 94-15410). Les clauses prévoyant le versement d’une ou de deux années (et pourquoi pas 4 ? pourquoi pas 10 ?) auraient du s’analyser incontestablement en une « clause pénale », c’est-à-dire une clause fixant à l’avance dans le contrat le montant des dommages et intérêts dus en cas d’inexécution, susceptible d’être réduite par le juge en vertu des dispositions de l’article 6152 alinéa 2 du Code civil. À cet égard, si l’on se réfère à l’arrêt de la chambre commerciale du 22 octobre 1996 mentionnée ci-dessus qui a été rendu sur un litige opposant 2 commerçants, par comparaison aux décisions des juges du fond et à l’arrêt de la chambre commerciale du 16 février dernier impliquant des comités d’entreprise, les comités d’entreprise auront donc été jusqu’alors traités encore plus durement qu’une société commerciale vis-à-vis de son co-contractant…

Désormais, il n'y a heureusement plus débat.

Le comité d’entreprise ayant la qualité de non professionnel, de telles situations relèvent en effet également des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation qui sanctionne de nullité les clauses abusives qui « ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Sont ainsi notamment présumées abusives, aux termes de l’article R. 132-2 du code de la consommation, les clauses ayant pour objet ou pour effet d’« imposer au non professionnel ou au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant manifestement disproportionné ».

À titre d’exemple, sur la base de ces dispositions, la jurisprudence a déjà jugé abusive « la clause précisant que si l’abonné (d’un contrat d’abonnement proposé par un opérateur) met fin au contrat avant l’expiration d’une période minimale de 12 mois, il sera libéré par le paiement d’une pénalité de rupture égale au montant des abonnements restant dus pour les 12 premiers mois du contrat, le montant très élevé de cette pénalité ayant pour objet de dissuader le consommateur de rompre le contrat » (TGI Nanterre 3 mars 1999, RJDA 1999, n° 729).

En matière de durée initiale du contrat, de manière globale, la Cour de cassation impose au contractant d’établir que la durée prévue initialement au contrat est justifiée par une considération particulière, notamment la nécessité pour le prestataire d’amortir le financement qui est lié à l’exercice de ce contrat. Il doit donc en être de même a fortiori en cas de renouvellement de celui-ci, où l’on suppose a priori que le financement est déjà amorti.

Même si le comité d’entreprise oublie ainsi de dénoncer le renouvellement du contrat, il pourra donc toujours remettre en cause une durée de renouvellement excessive et non justifiée par des considérations particulières, de la même manière d’ailleurs qu’il pourrait également remettre en cause une durée initiale souscrite pour une période trop longue. Dans ce cas, le comité d’entreprise resterait alors simplement tenu de respecter un délai de préavis raisonnable, dont il est couramment admis que celui-ci est de trois mois.

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Eclairant au sens propre et figuré avec un attendu très didactique : "Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 2323-83 du code du travail que le comité d'entreprise assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise prioritairement au bénéfice des salariés ou de leur famille ; que, lorsqu'il exerce cette mission légale, le comité d'entreprise agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, en sorte que, non-professionnel, il bénéficie des dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation" Les évidences sont parfois bonnes à rappeler : un CE n'exerce pas une activité lucrative avec des élus, avant tout salariés, dont ce n'est pas le métier Les prestataires vont devoir revoir leurs contrats faute de quoi les avocats des CE vont avoir du grain à moudre ! Merci Maître pour cette analyse "civiliste" :)