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29 / 04 / 2019 | 152 vues
Michel Debout / Membre
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Fichage hospitalier : les heures sombres du nouveau monde ?

Après les révélations par « Le Canard enchaîné » de l’usage d’un fichage des manifestants blessés à l’occasion des mouvements des « gilets jaunes », la Direction de l’APHP a pensé se dédouaner en évoquant un mauvais usage administratif d’un fichier conforme, lui, au règlement hospitalier ; ce dernier a été mis en place après les attentats terroristes afin de pouvoir rassembler en urgence le maximum d’informations, sur les victimes et ainsi renseigner au plus vite leurs proches.

Comment croire que l’usage d’un tel fichier, fait pour protéger, ait été détourné de son utilisation du fait d’un simple dysfonctionnement administratif dont se seraient rendus coupables (par erreur d’interprétation) des fonctionnaires zélés ? Ce détournement de sens et d’usage n’a pu être décidé que par l’autorité administrative à son plus haut niveau.

Bien plus que la violation du secret professionnel -qui constitue le fondement de la relation de confiance indispensable à l’éthique des soins- l’usage de ce fichier constitue une véritable délation : dans le contexte de chasse aux casseurs, aux relents salvinistes surjouée par le ministre Castaner, comment croire un seul instant que les renseignements contenus dans ce fichier pouvaient avoir un autre intérêt que de repérer ces mêmes casseurs ?

Dans l’histoire millénaire de la médecine la liste est longue des situations où l’on a cherché à obtenir des informations médicales non pas pour protéger la santé individuelle ou collective, mais pour rassembler des preuves policières et pénales contre les patients.

 

  • Il est utile de rappeler que, jusqu’au vote de la Loi libéralisant l’IVG en 1975, la seule révélation qu’un médecin pouvait communiquer directement au Procureur de la République, était la pratique de manœuvres abortives, ce qui condamnait les femmes à un silence mortifère (le même médecin n’avait cependant pas le droit de dénoncer un malfrat blessé au cours d’un hold-up !).
  • A l’inverse, la Loi sur la toxicomanie de 1970 permet aux patients d’avoir recours aux soins anonymes pour éviter toute tentative de fichage dont les enquêteurs auraient voulu disposer ; soins anonymes aussi lorsqu’il s’est agi de protéger les malades du SIDA au moment où la seule révélation de leur état était synonyme d’un véritable ostracisme social et professionnel.
  • La seule situation où la révélation d’une pathologie peut être acceptée est liée à la contagiosité éventuelle de la maladie qui nécessite alors des mesures de Santé Publique … et il est clair que les « gilets jaunes » n’ont rien de malades contagieux !

 

Aux heures les plus sombres de l’ancien monde, lorsque l’Etat français s’était substitué à notre République, une même Loi du Code pénal obligeait les médecins français à soigner tous les blessés (y compris des forces occupantes) et à dénoncer tous les suspects d’actes de résistance ; les régimes autoritaires et policiers ont de tout temps cherché à utiliser les informations médicales pour mener à bien leurs opérations de police politique.

Comment l ‘idée même de l’usage de ce type de fichier a pu naître au sein de l’APHP dont le Directeur Général Martin Hirsh fut à une époque Directeur de la Fondation Abbe Pierre fondée pour protéger et non pour poursuivre les plus démunis !

Même si,  à en croire la direction de l’APHP, des agents subalternes étaient seuls en cause (on retrouve ici la politique du lampiste qu’avait dénoncée en son temps le candidat Macron !) il est de toute façon significatif et consternant que les patients n’aient pas été informés de l’usage de ce fichier ; depuis la Loi Kouchner de 2002 le consentement aux soins et plus largement le consentement à la diffusion de toute information pouvant concerner un patient est le principe irréfragable du contrat de soins.

Il est nécessaire qu’une Commission Parlementaire véritablement indépendante fasse toute la lumière sur ce dossier qui n’a rien d’anecdotique ; il pose la question de la place, des missions et des valeurs éthiques des médecins et de l’ensemble des soignants dans la société que nous préparent les tenants du nouveau monde !

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