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28 / 09 / 2015 | 2 vues
Didier Cozin / Membre
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La grande méforme de la formation (1ère partie)

Si la formation conserve une bonne image en France et paraît utile à près de 80 % des salariés (étude Demos) ces mêmes salariés ne sont malheureusement pas près de se former via la nouvelle règlementation de formation de mars 2014.

La formation, l'apprentissage, l'éducation présentent des caractéristiques communes :

  • elles obéissent à des temps longs : une bonne (ou une mauvaise) réforme met quasiment une génération à porter ses fruits ;
  • elles ne supportent ni les approximations ni les improvisations (tout ce qui n'est pas clairement dit, écrit et facilement appropriable ne compte pas) ;
  • elles sont devenues vitales pour l'économie, notre avenir social et professionnel commun (voir la note de France Stratégie parue le 31 aout).

La formation est désormais abandonnée par les pouvoirs publics

Après avoir taillé à la hache dans les anciens dispositifs (sans rien y connaître, comme l'a avoué dans un livre de souvenirs l'ancien ministre du Travail en 2014), après avoir installé partout la défiance et le désengagement, après avoir communiqué dans le vide sur un dérisoire compteur de formation qui fige le monde professionnel dans le schéma compassé des qualifications du XXème siècle, les pouvoirs publics laissent la formation en plein désarroi.

Ce malheureux épisode de la réforme (la méforme) de la formation semble être passé par pertes et profit, les divers incendies sociaux actuels ne permettant plus de réinvestir cet immense gachis de 2013-2014.

Quatre ministres du Travail se seront succédés pour réduire et démoraliser la formation dans notre pays

Non seulement ce dossier a été abordé par le prisme de l'idéologie et des bons sentiments sociaux déconnectés du réel mais le mal étant fait, plus personne ne semble capable de restaurer un semblant d'équité et d'intelligence dans des dispositifs qui en manquent cruellement.

  • La seule personne (haut fonctionnaire) qui suivait (et tentait de piloter) depuis son démarrage cette malencontreuse réforme, la déléguée à la formation professionnelle, a démissionné le 15 septembre dernier (pour rejoindre un groupe privé).
  • La nouvelle ministre du Travail a déjà expliqué qu'elle n'était pas une magicienne (après avoir cassé le peu de choses qui fonctionnaient, le pouvoir politique déclare ne plus rien pouvoir changer, juste capable de commenter les résultats de ses errements passés).
  • Le MEDEF (totalement impliqué dans cette réforme via la destruction du DIF et la baisse des cotisations de formation) communique dans le vide via son dérisoire site internet (ruedelaformation.org) tout en annonçant son grand chantier pour 2016 : le développement d'une application sur la formation pour smartphones.
  • Le site www.moncompteformation.gouv.fr, lui, est un échec avéré pour au moins quatre raisons :
    • d'un simple réceptacle d'heures de formation cumulées par les salariés, on a bâti un monstrueux système d'informations censé tout faire depuis l'information du salarié jusqu'à son engagement dans une formation (ce qui est impossible en l'état actuel de la réglementation formation) ;
    • dans une époque ou les deux tiers des diplômés du supérieur ne trouvent pas de poste à la hauteur de leurs qualifications, on a pensé que la promotion professionnelle passait par encore plus de formations longues, de diplômes et de diplômés (sur un marché du travail qui en est saturé) ;
    • on a voulu mêler la formation des chômeurs (obéissant à ses propres logiques) à celle des salariés (dont le temps disponible est mesuré et les besoins en formation fondamentalement différents de ceux des chômeurs) ;
    • pour couronner le tout, on a prétendu qu'un conseil expert et personnalisé serait accessible dès 2015 (le conseil en évolution professionnelle). Ce conseil-accompagnement n'existe évidemment pas ; il succède au fiasco précédent (loi de novembre 2009) : le service public de l'orientation dont un rapport de l'IGAS estimait qu'il n'avait strictement rien apporté aux salariés en quatre années d'existence. 

Peut-on encore sortir du marasme éducatif ambiant, de ce manque de formations qui explique en grande partie le chômage et la perte de compétitivité de notre pays ?

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Pour les entreprises et leurs cadres, une erreur stratégique et une erreur économique sont présentes dès le départ de cette réforme qui privilégie le diplôme et laisse de côté le développement des compétences personnelles. Puis suivent des erreurs de jugement et un choix politique de ne pas laisser le marché s’autoréguler. 1°) La première erreur : le diplôme avant tout ! Imaginer que l’emploi va reprendre parce que nos chômeurs seront davantage diplômés, c’est déjà nier la difficulté qu’ont les chômeurs déjà diplômés de trouver du travail. C’est le manager, ou les responsables formation qui connaissent leurs besoins et qui sont capables d’évaluer les capacités de leurs collaborateurs, ce ne sont pas les tests ni les diplômes. 2°) La deuxième erreur : sortir du champ du CPF les formations communication et management en entreprise. Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, ces formations dites de « savoir être » sur le leadership, la gestion de conflit, la prise de parole, la négociation contribuent à l'évidence à l'efficacité, à la croissance et la compétitivité de nos entreprises. Les initiateurs de cette loi ont du juger que ces formations ne sont pas utiles aux collaborateurs ou aux entreprises. C’est bien la deuxième erreur ! 3°) Troisième erreur : choisir de labéliser. Le nouveau dada de nos spécialistes ès-formation c’est de créer des critères de qualités et des labels nationaux. Créer l’obligation pour des petits organismes de formation de payer – car c’est bien de cela qu’il s’agit – pour se faire labéliser, c’est leur créer des charges et des difficultés supplémentaires. Le marché s’autorégule donc tout seul. Les labels de qualité existent déjà et ce sont les clients qui « labélisent » les formations et les organismes. 4°) Quatrième erreur : se mêler du prix des formations. Les organismes de formation devront justifier « la cohérence du prix » avec la réalité du service prodigué. Qui saura juger de cela ? Les législateurs semblent ne pas tenir compte que la loi du marché fait déjà son travail : un Organisme de formation ou une formation trop cher et dont les prestations ne sont pas à la hauteur de l’investissement n’a pas vocation à perdurer. Tomber dans le moins-disant serait une erreur supplémentaire. Sur ces points une lettre ouverte à Madame Myriam El Khomri Ministre du Travail : http://www.pygmalioncommunication.com/blog/2015-09-29-lettre-ouverte-a-madame-myriam-el-khomri-ministre-du-travail.html Luc Teyssier d’Orfeuil, Dirigeant de Pygmalion Communication (organisme de formation spécialisé dans les formations communication et management) Soutien au mouvement des Hiboux Auteur de deux tribunes reprises sur le net : http://www.huffingtonpost.fr/luc-teyssier-dorfeuil/compte-personnel-de-formation_b_7441046.html http://www.myrhline.com/actualite-rh/le-mouvement-des-hiboux-se-levent-contre-le-cpf.html