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03 / 05 / 2013 | 3 vues
Franck Mikula / Membre
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Déficit de la retraite par répartition de l'aérien : quand le taux d'emploi ne suit plus le taux d'activité

Malgré la réforme de 2012, le déficit de la CRPN (caisse de retraite du personnel navigant) se creuse. Le montant des cotisations perçues est de 432 millions d'euros alors que les prestations versées sont de 525 millions d'euros. Le déficit est de 93 millions d'euros en 2012 (69 millions en 2011) et ne peut être comblé que grâce aux réserves. Chaque année depuis les années 1990, une partie du résultat des placements de nos réserves est utilisée pour ce genre d’opération.

Certes, on peut se dire que c’est leur fonction mais si ces réserves ont effectivement pour objet de compenser les accidents de parcours ou les déséquilibres conjoncturels, elles ne seront jamais suffisantes pour compenser les déficits structurels comme ceux que nous connaissons depuis vingt ans à la CRPN. Déjà, des voix se font entendre pour qu'une nouvelle réforme soit envisagée.

Comme les autres caisses de retraite, la CRPN souffre d'un déséquilibre entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités.

  • Depuis quelques années, le nombre de cotisants n'augmente que d’environ 1 % par an alors que le nombre de retraités augmente de 3 à 4 % par an.

Moins d'emplois dans le secteur

Notre régime est complètement dépendant du volume d’emploi et du niveau de rémunération du personnel navigant (PN).

S'il n'y a pas lieu d'y avoir d'inquiétude sur l'avenir du transport aérien en France, en Europe ou dans le monde (les ralentissements sont suivis de périodes de croissance), il y a tout lieu d'être inquiet en revanche sur l'évolution de l'emploi dans ce secteur.

  • Depuis plusieurs années, le taux de croissance de l'emploi ne suit plus le taux de croissance du transport aérien (croissance en heures de vol ou croissance en nombre de pax transportés).

Autre phénomène, les emplois créés (lorsqu'ils existent) voient le jour dans des compagnies qui ont des salaires moins importants qu'avant. On voit même des compagnies se créer avec du PN rémunéré au SMIC et qui ont un développement important en France.

Comme si cela ne suffisait pas, les nombreux partenariats créés par les grandes compagnies aériennes (joint ventures, associations commerciales etc.) ont pour effet de partager le chiffre d'affaires sans partager équitablement les heures de vol, ce qui fait qu'une partie des emplois échappe aux compagnies basées en France et donc soumises à des cotisations aux régimes sociaux français.

Parfois, c'est la structure même de certaines compagnies qui leur permet de faire effectuer une partie de leur activité par un PN basé ailleurs en Europe (de façon légale, la question n'est pas là, mais il n'en reste pas moins que c'est autant de cotisations en moins pour la CRPN).

Cette « externalisation » de l’activité et des emplois a pour objet de réduire ce que les compagnies appellent les « coûts PN » dans leur compte de résultats mais cela a pour conséquence de réduire des ressources de notre régime de retraite et donc de mettre en péril la pérennité de notre retraite complémentaire.

La pérennité de la CRPN

Assurer la pérennité de la CRPN, ce n’est pas constater chaque année que l’on peut compenser les déficits avec nos réserves ; c’est garantir aux plus jeunes navigants que nous mettons tout en œuvre pour diminuer le déficit entre les cotisations et les prestations. Les cotisations au fonds de retraite ne couvrent plus les prestations de ce fonds depuis 1993.

Dans le courant ultralibéral, venant tantôt de la banque mondiale, tantôt de certaines institutions européennes, qui prônent la constitution d’un nouvel équilibre entre capitalisation et répartition au profit de la première et qui sous-tendent les réformes des retraites, il faudra faire preuve de beaucoup de détermination pour préserver notre régime de retraite par répartition.

  • D’autant plus qu’au sein même du conseil d’administration de la CRPN, les représentants des pilotes d’Air France savent très bien surfer sur cette vague ultralibérale dans leur défense catégorielle ultra-corporatiste.

Ces thèses fondées sur l’égoïsme individuel au détriment de l’intérêt collectif ont été parfaitement comprises par ceux qui ont les meilleures conditions de salaire en tant qu’actifs et les meilleures conditions de retraite en tant que retraités.

Déjà, des voix s’élèvent pour demander un nouveau durcissement des conditions de liquidation des pensions. D’autres demandent une diminution des pensions, comme cela va être pratiqué pour les retraités AGIRC/ARRCO.

Le gouvernement actuel, comme le précédent, s’interroge sur la pertinence d’un régime de retraite complémentaire du PN indépendant des régimes de retraite complémentaire des autres salariés. L’ambition des ministères reste de créer un grand ensemble des retraites regroupant tous les salariés. 

  • Ce n’est pas nouveau mais aujourd’hui comme hier, pour s’opposer à ces projets de réunification des régimes de retraite, notre meilleure protection est la capacité que nous aurons à assurer une bonne gestion de notre régime spécifique. Cela passe par une meilleure cohésion de l’ensemble du PN et par le rétablissement, sur le long terme, des grands équilibres économiques et financiers.

Dans ce contexte dégradé, les employeurs, eux, n’ont d’autre objectif que de réduire le poids des cotisations de retraite. Là encore, ce n’est pas nouveau mais en période de crise, la seule chose qui compte pour eux c’est le rapport coûts/bénéfices.

Leur objectif n’est pas de préserver la CRPN mais de ne pas avoir à supporter les coûts du rétablissement des équilibres de notre caisse de retraite. Pour eux, l’amélioration de la pérennité de la CRPN passe par les efforts des actifs en matière de durée de cotisation et par les efforts des retraités en matière de diminution des pensions.

Les jeunes

Pour l’UNAC, les débats sur la protection sociale et la retraite qui ne manqueront pas de rebondir, au sein des compagnies aériennes et au sein de la CRPN (comme au niveau national) dans les prochains mois devront être orientés principalement vers les plus jeunes, faute de quoi le lien entre les générations qui fonde la retraite par répartition n’y résisterait pas. À l'UNAC, nous sommes prêts à relever ce défi-là aussi.

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