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25 / 07 / 2023 | 53 vues
Fabien Brisard / Abonné
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La santé aux Etats-Unis : la solidarité à l’épreuve de la liberté individuelle

Malgré des soins prodigués par des médecins hautement qualifiés exerçant dans des structures souvent ultramodernes, le système affiche une médiocre efficacité en termes d’espérance de vie, de mortalité infantile ou encore de pathologies évitables. Anaïs fossier, responsable des études du Craps (le cercle de recherche et d’analyse sur la protection sociale) nous livre ses réflexions...

 

Au cœur de notre pacte républicain et de notre identité nationale, la santé appréhendée comme un bien commun est une préoccupation majeure des Français et n’est assurément pas une marchandise comme les autres ! Le président de la République rappelait d’ailleurs avec force en pleine crise sanitaire que « la santé gratuite, sans conditions de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe » rappelant par la même occasion qu’il est « des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». Le système de santé américain illustre ce propos, même si la réalité est plus complexe que ce que n’exprime cette déclaration lapidaire.

 

De l’autre côté de l’Atlantique, l’organisation du système américain, très différente du modèle égalitaire (et protecteur) de l’Assurance maladie française, interroge. Le système est en effet onéreux, comme en témoignent par exemple le coût d’une consultation chez un généraliste (de l’ordre de 180 dollars en moyenne) et les factures atteignant des montants colossaux à l’image des « surprise medical bill » en cas d’hospitalisation (1). Malgré des soins prodigués par des médecins hautement qualifiés exerçant dans des structures souvent ultramodernes, le système affiche une médiocre efficacité en termes d’espérance de vie, de mortalité infantile ou encore de pathologies évitables. Le cas de la mortalité infantile est d’ailleurs particulièrement frappant : elle était en 2021, de 3,7 pour 1 000 naissances en France et de 5,4 pour 1 000 aux États-Unis (2).

 

« 45 000 décès sont recensés chaque année par manque d’accès aux soins et 530 000 ménages se trouvent en situation de faillite en raison du coût des frais de santé »

 

Alors que les dépenses de santé sont considérables puisque les Américains dépensent environ 10 000 dollars par an en frais de santé et que ces dépenses représentent 17,8 % du PIB (contre 12,3 % pour la France (3), la population reste confrontée à d’importantes problématiques de santé publique, de qualité et d’accès aux soins pouvant conduire à des situations dramatiques. 27,5 millions d’Américains ne disposent en effet pas d’Assurance maladie, 60 millions sont très peu couverts et la plupart des Américains mal assurés, 45 000 décès sont recensés chaque année par manque d’accès aux soins et 530 000 ménages se trouvent en situation de faillite en raison du coût des frais de santé (4). 

 

Si cette réalité paraît inconcevable dans un pays comme le nôtre, nombreux sont les Américains qui pour des raisons idéologiques ou religieuses rejettent en bloc l’idée d’instaurer un régime de « socialisation des soins » jugé contraire à la liberté de choix et à la responsabilité individuelle, principes fortement ancrés dans la culture du pays. Dans cette logique, la santé est un bien de consommation à la charge de l’individu, considéré comme un simple consommateur. « Vous êtes ce que sont vos gènes, c’est à vous d’être responsable de votre santé, de ce que vous mangez, du sport que vous faites, de la vie que vous menez », explique le représentant républicain de l’Arizona, Paul Gosar. 

 

Les virulentes oppositions de certains États à l’encontre de « l’Obamacare » (réforme de la santé visant entre autres une refonte complète de l’offre de soins, l’élargissement de l’accès aux soins aux personnes exclues du système et à rendre les soins plus accessibles) illustrent d’ailleurs ce rejet d’un système socialisé et la crainte de voir la société américaine s’éloigner de ses fondements. À cet égard, le principe de redistribution ne peut pas être compatible avec « l’idéal américain » puisqu’aux États-Unis l’idée que l’argent que l’on gagne ne doit pas être dépensé pour les autres est encore très prégnante ! Ces débats sur la réforme – toujours d’actualité – divisent l’opinion et les responsables politiques et mettent plus largement en exergue le clivage entre les tenants de la liberté individuelle et ceux de la solidarité. Entre ceux qui considèrent que l’absence de régulation du marché de la santé permet de dynamiser l’économie et ceux qui prônent un accès pour tous à la santé quelle que soit sa condition sociale. 

 

Assurance santé, une imbrication complexe de couvertures publiques et privées

 

Le système américain est donc sans surprise éprouvé par son absence d’universalité et s’organise principalement autour d’assurances privées proposées par l’employeur (53 % de la population est couverte par ce biais) ou par le marché individuel (11 %) (5), généralement très coûteux. Rendue obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés (travaillant plus de 30 heures par semaine) (6), la couverture santé est considérée comme un avantage social lié à l’emploi, encore largement utilisé pour attirer les meilleurs profils. De grandes disparités existent donc selon les entreprises, leurs tailles et les prestations qu’elles proposent. Les réalités sont en effet « très différentes selon l’employeur, entre un cadre de grande entreprise bien couvert et d’autres qui peuvent avoir à débourser des franchises de 6 000 dollars avant toute prise en charge » constate Élisa Chelle, professeure de sciences politiques à l’université Paris Nanterre. 

 

Un système très fragile dans la mesure où le chômage entraîne la perte de l’assurance santé et que bon nombre de petites entreprises se trouvent dans l’incapacité de proposer une couverture santé à leurs salariés. L’idéologie libérale américaine conduit in fine à considérer que la meilleure des protections sociale reste le plein (et bon) emploi ! La pandémie de Covid-19 a d’ailleurs révélé les dérives du modèle, puisque 27 millions d’Américains auraient perdu leur emploi et donc leur assurance santé, selon les estimations de la Kaiser Family Fondation (7). 

 

Les Américains peuvent, selon leur situation socio-économique, bénéficier d’une assurance à travers différents programmes publics tels que « Medicare » (financé au niveau fédéral) qui assure les personnes en situation de handicap et âgées de plus de 65 ans et de « Medicaid » (administré conjointement par l’État fédéral et les états fédérés) permettant aux plus démunis d’être couverts. En résumé, « l’État prend en charge les mauvais risques, c’est-à-dire ceux des personnes âgées ou trop pauvres pour s’assurer sur les marchés privés tandis que les assurances privées prennent, elles, les bons risques », note Anne-Laure Beaussier, chargée de recherche au CNRS.

 

L’État fédéral définit les prestations obligatoires devant être administrées par les états, lesquels déclinent leur propre « version » des programmes publics avec des différences souvent majeures dans la définition des critères d’éligibilité et dans les niveaux de prestations proposés. Medicaid appliqué en Californie (appelé « medi-cal ») couvre 1/3 des Californiens, 2/3 des personnes âgées en maisons de retraite, 50 % des naissances8 et permet, par exemple, de bénéficier du programme même si les revenus sont supérieurs au seuil de pauvreté. Les toxicomanes peuvent y bénéficier de services complémentaires à ceux prévus au niveau fédéral. Les soins dentaires et l’aide à domicile y sont également mieux couverts que dans d’autres États, notamment ceux du sud, qui laissent les plus pauvres sans accès aux soins.

 

Si les dispositifs publics Medicare et Medicaid couvrent 24,8 % (9) de la population, de nombreuses personnes en sont exclues en raison des critères d’éligibilité. Les bénéficiaires quant à eux sont tenus de supporter des franchises et des restes à charge souvent très coûteux. Une situation qui oblige une part non négligeable d’Américains à renoncer aux soins ou à rester sans assurance avec des conséquences graves en cas de maladie ou d’hospitalisation. L’on constate plus globalement que la complexité du système contraint la plupart des Américains à combiner différents types de couvertures publiques et privées. Le marché de l’assurance santé aux États-Unis comprend en effet de nombreux payeurs ayant des procédures, tarifs et modes de fonctionnement avec leurs assurés et leurs prestataires de soins, très différents.

 

En réalité, il n’existe donc pas un système de santé unique, mais bien une multitude de systèmes qui dépendent de l’âge de la personne, de son emploi, de son niveau de revenus ou encore de l’État dans lequel elle vit. En l’absence d’assurance, ou d’une assurance de qualité correcte, les Américains modestes ne peuvent pas se soigner et doivent compter sur les organisations caritatives ou retarder leurs soins. Face à ce qui est perçu en Europe comme une carence de l’État, un filet de sécurité est assuré par des organisations caritatives et des programmes sociaux fournissant des soins. Il s’agit principalement des services de santé locaux et des centres de soins gratuits (souvent communautaires). Les hôpitaux publics sont par ailleurs tenus – contrairement à une idée reçue – d’accueillir tous les patients en situation d’urgence qu’ils soient assurés ou non. 

 

Une organisation des soins marquée par l’essor du « Managed Care » 

 

Aux États-Unis, l’organisation des soins se distingue par le développement des « Managed Care Organizations » (MCO) qui intègrent à la fois le financement et les prestations de soins sur la base d’une contractualisation entre les assureurs et les offreurs de soins. Des réseaux sont développés avec des hôpitaux et des professionnels de santé via une embauche s’ils sont salariés ou une contractualisation pour ceux qui exercent en libéral. Les organismes d’assurances adoptent généralement des conventions sur la base d’accords prix-volume afin de contrôler les coûts, la qualité et l’accès aux soins, à la différence du système classique dit « fee for service » dans lequel l’organisme payeur n’a pas de prise sur le prix des soins.

 

Au début des années 1970, un nouveau type de sociétés d’assurances se met en place : les « Health Maintenance Organizations » (HMO) qui donnent accès à un réseau de professionnels de santé et d’hôpitaux par une prime annuelle fixe dont s’acquitte l’assuré. Dans ce cas de figure, la couverture santé est conditionnée par le recours à cet unique réseau pour consulter et recevoir des soins. Le patient doit choisir un médecin traitant et les médecins sont rémunérés par capitation, en fonction donc du nombre de patients inscrits et de visites. Puis, sont apparues les « Prefered Provider Organizations » (PPO) qui permettent quant à elles plus de liberté de choix pour l’assuré. Il est en effet possible dans ce cadre de faire appel à un professionnel ou un établissement hors réseau, mais le remboursement sera bien moins important. In fine, plus la liberté de choix du patient est importante, plus il devra payer. 

 

De nouvelles formes d’organisation des soins visant à favoriser l’efficience, la qualité des soins et la coordination des professionnels de santé ont par ailleurs été promues. C’est ainsi que sont apparues les « Accountable Care Organizations » (ACO) – axe souvent méconnu de la réforme Obama – qui s’inscrivent dans la même logique que les HMO mais en allant plus loin dans la prise en compte de la qualité des soins. Dans cette optique, un groupement de prestataires de soins de ville et de l’hôpital s’engage sur l’amélioration d’un service rendu à la population. Ils sont solidaires à travers un mécanisme de rémunération combinant un objectif de dépense, un partage des risques avec l’assureur et un dispositif de rémunération à la qualité (10) . Les ACO sont peu développés.

 

Focus sur Kaiser Permanente 

 

Régulièrement présenté comme un exemple en matière de maîtrise des dépenses et d’organisation des soins, Kaiser Permanente est un HMO qui dispose de son propre réseau de médecins et de ses hôpitaux. Les médecins y sont salariés et leur activité est rigoureusement contrôlée (5 à 10 % de leur rémunération dépend de l’évaluation). Chaque mois, leurs résultats sont comparés avec ceux de leurs confrères et avec les objectifs fixés. Cette évaluation se base notamment sur des indicateurs de santé (nombre de dépistages du cancer effectués, contrôle de l’hypertension…) et sur des sondages de satisfaction des assurés. 

 

Tous les services médicaux sont disponibles au sein d’un lieu unique (généralistes, spécialistes, laboratoires d’analyses, pharmacies…) permettant ainsi de fluidifier le parcours des patients et une coopération étroite entre les médecins, élément central dans la prise en charge des maladies chroniques. Pour maîtriser les coûts à long terme, Kaiser capitalise principalement sur la prévention, la promotion de la santé, le traitement des maladies chroniques et sur le déploiement du numérique (6 % des revenus du groupe sont affectés à l’investissement). La numérisation a permis à chaque patient de disposer d’un dossier médical auquel chaque médecin peut avoir accès.

 

« Pour maîtriser les coûts à long terme Kaiser capitalise principalement sur la prévention, la promotion de la santé, le traitement des maladies chroniques et sur le déploiement du numérique »

 

Chacun des assurés a la possibilité d’interagir avec les professionnels de santé via une messagerie sécurisée. Des e-mails d’information et de prévention leur sont en outre régulièrement adressés (avec un système de rappel pour certaines procédures comme les dépistages). Une plateforme de conseil est également disponible en continu pour permettre une autoévaluation des symptômes afin d’identifier le degré d’urgence et la réponse à apporter au patient. Les technologies de l’information sont donc appréhendées chez Kaiser Permanente comme un élément clé d’amélioration, d’intégration des soins, de réduction des tâches administratives et de contrôle des coûts. 

 

Si les  « Managed Care Organisations » trouvent des adeptes qui saluent un fonctionnement vertueux (rassemblement des professionnels pluridisciplinaires au sein d’un même lieu, place prépondérante donnée à la prévention ou encore l’intégration de réseaux spécialisés sur certaines pathologies spécifiques), des réserves et des points d’alerte sont aussi mis en exergue. Certains experts dénoncent en effet le déploiement d’une médecine à deux vitesses (de qualité pour les plus aisés et low cost pour les classes populaires et moyennes), l’absence de liberté de choix du médecin et de l’établissement de santé pour l’assuré, mais aussi la remise en cause du principe d’indépendance professionnelle des médecins. 

 

Les opérateurs de ce que l’on peut imparfaitement traduire par « réseaux de soins » sont en réalité de véritables acheteurs de soins pour le compte des assureurs, dont l’action a pour effet de contraindre la stratégie thérapeutique pouvant être proposée par les médecins qui y sont affiliés. Ceux-ci sont alors relégués au simple rang de prestataires assujettis aux protocoles thérapeutiques et aux prescriptions autorisées par la convention conclue avec l’opérateur du « réseau de soins ». La volonté des assureurs privés de maîtriser les dépenses de santé génère par ailleurs des effets pervers poussant à la sélection des risques. Si la loi interdit la sélection des « mauvais » risques, force est de constater cependant que des stratégies de dissuasion et de promotion (pour les petits risques) peuvent être mises en place par ces organismes de Managed Care. Il est en outre possible pour ces organismes de se spécialiser dans certains domaines afin d’attirer une clientèle spécifique, notamment les jeunes bien portants. 

 

La prise en charge du vieillissement, l’exemple inspirant d’On Lok

 

Souvent caractérisés par un fonctionnement en silo ne permettant pas de répondre aux besoins des personnes âgées qui rencontrent des difficultés dans leurs parcours de soins, la plupart des systèmes de santé tentent de relever le défi de l’intégration entre les structures sanitaires, médicosociales et sociales. Développé par On Lok, le modèle PACES est une initiative communautaire des chinois de San Francisco créé pour répondre aux besoins du troisième âge. Il est financé par capitation et prend en charge l’ensemble des besoins de santé et sociaux des personnes âgées vulnérables pour faciliter leur maintien à domicile. Il est assurément un modèle d’innovation organisationnel inspirant. 

 

Après une évaluation approfondie de ses besoins de santé, et qu’un plan de soins a été élaboré, la personne âgée est accueillie dans un centre de jour où un coordonnateur de soins organise tous les aspects de son plan de soins et de bien-être. La prise en charge globale est effectuée par une équipe pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle au sein du centre : médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, nutritionnistes, assistants sociaux, animateurs, chauffeurs… Le programme offre une gamme complète de services, y compris de soins primaires, de soins infirmiers à domicile, de réadaptation, de diététique, de transports, d’activités sociales et récréatives, etc. Les études menées montrent l’intérêt économique et social d’un tel modèle puisque le taux d’hospitalisation dans le programme PACES est inférieur de 20 % à celui constaté pour les personnes hors programme (11). 

 

La Californie, terreau fertile de l’innovation 

 

Si l’accès aux soins est une problématique de taille aux États-Unis, le développement des technologies et plus largement de l’innovation est en revanche très avancé en raison (notamment) d’une forte proximité entre le monde médical, universitaire, politique et industriel. Le pays dispose également d’un haut niveau scientifique puisque les chercheurs du monde entier y affluent et que l’écosystème s’avère très favorable pour les start-up et les entreprises avec un accès simplifié aux financements et aux ressources nécessaires pour innover. La Californie est une région particulièrement propice aux nouvelles technologies en particulier grâce à la Silicon Valley au cœur de l’innovation mondiale (née sous l’impulsion de l’université de Stanford). 

 

Située sur la baie de San Francisco, elle accueille en effet des firmes emblématiques telles qu’Apple, Google, Facebook ou encore Cisco qui rayonnent à l’échelle mondiale et concentrent des milliers de chercheurs qui y travaillent et qui bénéficient d’un cadre privilégié. Le lien entre les universités et les entreprises de la tech de la Silicon Valley permet un développement rapide de l’innovation dans les secteurs de pointe. En outre, cette dernière a connu une forte diversification sectorielle du fait des rapides mutations techniques et technologiques comme l’IA, la médecine de précision ou encore la robotique (12). Ce dynamisme explique entre autres la forte attractivité de la Silicon Valley, véritable pôle d’innovation où il faut être présent si l’on souhaite saisir de nouvelles opportunités !

 

Plus globalement, la culture étasunienne, la taille du pays et son système capitaliste libéral encouragent la prise de risque et permettent aux entreprises de tester de nouveaux produits et de les commercialiser rapidement. Dans l’idée : il n’y a pas de rendements élevés sans prise de risque et sans concurrence. Une concurrence toutefois acharnée puisque la transformation digitale ne cesse de s’accélérer et que les innovations disruptives interviennent en moyenne tous les 36 mois (13) et menacent la survie des organisations en modifiant les parts de marché des entreprises. Pour survivre, il est alors indispensable qu’elles anticipent ces mutations permanentes en combinant innovations technologiques, organisationnelles et business model. L’esprit de Schumpeter y règne en maître !

 

Existe-t-il un bien plus précieux que la santé ? 

 

Pour autant, quels qu’en soient les effets dynamiques, le système américain de santé ne saurait être un modèle de référence pour « la vieille Europe ». Le recours dominant au marché pour le financement et l’organisation du système de santé ne va pas de pair avec une réduction des coûts et bien au contraire, il produit leur augmentation tout en accroissant les inégalités et en tournant le dos à toute ambition de justice sociale. Face à la crise de l’État-providence, l’universalisme en matière de santé doit rester l’un des fondamentaux de notre pacte social. Dans une société devenant toujours plus individualiste et matérialiste, où « l’avoir » prend le pas sur « l’être », nous devons veiller à ce que soit préservé ce que la République nous a légué, à partir des principes posés par l’école solidariste de Léon Bourgeois. Et à ce que ce soit perceptible par chacun de nos concitoyens, c’est probablement une condition de pérennité de la démocratie et de la République.

 

Si débat public il doit y avoir, ce n’est donc pas entre étatisation et privatisation, mais entre universalisme et universalisme proportionné, garantissant aux citoyens l’accès aux droits réels, à l’accès effectif au système de santé, et en premier lieu aux soins du quotidien. C’est indispensable si nous voulons que la santé reste notre bien commun et le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ! En effet, existe-t-il un bien plus précieux ? .

 

 

Sources : 

1. https://www.msh-intl.com/fr/frais-medicaux-etranger-pays-les-plus-chers.html

2. https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/europe-pays-developpes/natalite-mortalite-mortalite-infantile/

3. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-04/CNS2022MAJ280423.pdf

4. https://lvsl.fr/etats-unis-lassurance-maladie-au-coeur-de-la-presidentielle-2020/

5. Intervention de Jacqueline EJUWA – Vice-Présidente Health Transform – dans le cadre du voyage d’études à San Francisco. Octobre 2022.

6. https://www.cleiss.fr/docs/regimes/regime_etatsunis.html

7. L’assurance-santé américaine à l’épreuve du coronavirus – Les Échos. Juillet 2020.

8. Intervention de Rene Follow – superviseur du programme medicaid dans le cadre du voyage d’études à San Francisco. Octobre 2022.

9. Intervention de Jacqueline EJUWA – Vice-Présidente Health Transform – dans le cadre du voyage d’études à San Francisco. Octobre 2022.

10. https://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/227-l-experience-americaine-des-accountable-care-organizations-des-enseignements-pour-la-france.pdf

11. Intervention de Eileen KUNZ, Chief of Government affairs – dans le cadre du voyage d’études à San Francisco. Octobre 2022.

12. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/silicon-valley-territoire-productif-innovation

13. Intervention de Joël BARBIER, Responsable du centre pour la transformation digitale chez CISCO – dans le cadre du voyage d’études à San Francisco.

 

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Michel Calmon
Directeur d’hôpital honoraire, expert auprès de l’Agence Nationale d’Appui à la Performance

Les États-Unis font partie des pays qui consacrent le plus de ressources à leur système de santé, soit 16,8 % du produit intérieur brut (11,1 % en France). Pourtant, l’espérance de vie est une des plus faibles des pays de l’OCDE (73,3 ans) et elle a même baissé durant la pandémie Covid. La recherche et l’innovation sont particulièrement performantes alors que 30 millions d’Américains ne disposent d’aucune couverture financière de leurs besoins de santé. Comment expliquer ce paradoxe ? La découverte de briques de ce système, à l’occasion d’un voyage d’études en Californie en octobre 2022, apporte un début de réponse.

LE SYSTÈME DEA SANTÉ AMÉRICAIN EST UN DES PLUS COÛTEUX AU MONDE, MAIS IL COUVRE DE MANIÈRE TRÈS INÉGALITAIRE LA POPULATION

Les dépenses totales consacrées à la santé par habitant étaient aux États-Unis de 10 921 dollars par habitant en 2019, alors qu’elles ne s’élevaient en France qu’à 5 493 dollars. Ces dépenses sont des dépenses publiques à 49 %, 51% des dépenses relevant d’un financement par des assurances individuelles privées.

Les dépenses publiques concernent principalement deux catégories de population :

– Les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes handicapées (programme Medicare) ;

– Les enfants et les personnes démunies, en dessous du seuil de pauvreté (programme Medicad).

Un partenariat est établi pour le programme Medicad entre le Gouvernement fédéral et les États. Le niveau fédéral établit des standards minimums mais chaque État dispose d’une marge de manœuvre et peut fixer un niveau de couverture des soins au-delà du minimum. C’est ainsi que la Californie a prévu d’aller au-delà du programme fédéral en couvrant des personnes disposant de revenus au-delà du seuil de pauvreté dans une certaine limite, en apportant aux toxicomanes des services complémentaires et en couvrant des adultes sans papier (depuis 2022).

La réforme « Affordable Care Act », plus connue sous le nom d’Obamacare, promulguée en 2010, a permis de couvrir plus d’Américains jusqu’alors dépourvus de toute assurance individuelle en instaurant une responsabilité partagée entre le gouvernement, les employeurs et les individus. Le seuil de pauvreté, à partir duquel Medicad intervient, a été augmenté de 138 %, ce qui représente un revenu mensuel moyen d’environ 2 100 dollars pour un foyer de deux personnes.

C’est ainsi que 14 millions d’individus sur les 40 millions de Californiens étaient couverts par Medicad en 2022 (7,6 millions en 2012). De ce fait, les dépenses de santé ont notablement progressé pendant la même période, passant de 60 millions de dollars en 2012 à 144 millions en 2022. Les dépenses par bénéficiaire s’élèvent désormais à 8 540 dollars par an (2022).

En dépit de l’Obamacare, que la présidence Trump n’a pas réussi à remettre en cause, c’est aujourd’hui encore près de 30 millions d’Américains qui ne bénéficient pas d’une assurance santé. Ils reçoivent peu de prestations sanitaires et n’ont recours au système de santé que dans les cas d’urgence, alors que leur état est devenu préoccupant. Cet éloignement des services de santé peut expliquer la faible espérance de vie constatée aux États-Unis, conjuguée à une conjonction de déterminants en santé défavorables (habitat, habitudes alimentaires, pauvreté etc.). Une partie de la population, quoiqu’au-dessus du seuil de pauvreté, et donc non éligible au programme Medicad, ne dispose pas de revenus suffisants pour cotiser à une assurance individuelle.

Une des difficultés majeures pour la prise en charge sanitaire des plus démunis est la complexité du système américain, avec une grande diversité de programmes sanitaires et sociaux, au niveau fédéral mais aussi à celui des États, mais avec un manque de coordination entre eux et les organismes qui les gèrent.

LES ÉTATS-UNIS DISPOSENT POURTANT D’UN RÉSEAU DE SANTÉ TRÈS PERFORMANT ET INNOVANT

Les hôpitaux américains sont incontestablement parmi les meilleurs au monde. Le CHU de San Francisco, par exemple, qui comporte quatre hôpitaux pour adultes et deux hôpitaux pédiatriques ainsi qu’une faculté de médecine, une faculté de pharmacie, une faculté d’odontologie et une faculté en soins infirmiers, recense plus de 1 800 inventions, 6 lauréats du prix Nobel de médecine et investit dans 185 start-ups. Il dispose d’un équipement biomédical de pointe. Les ratios de personnel sont en moyenne deux fois plus importants qu’en France. Il a développé, depuis 2012, un programme d’excellence en soins infirmiers (le « programme Magnet »), qui met l’accent sur les résultats des soins, mesurés par différents indicateurs (taux de réadmission des patients, taux de patients sortis avant midi, taux d’escarres…). Il donne lieu à une accréditation délivrée pour une période de 4 ans par une association américaine au niveau fédéral.

Les systèmes de soins intégrés, associant médecine hospitalière et ambulatoire, sont particulièrement développés. 

Par exemple, le groupe privé à but non lucratif Kaiser Permanente est à la fois une structure d’assurance, qui couvre les soins de santé de ses membres, et un réseau de soins qui passe des accords avec des hôpitaux et des groupes de cabinets médicaux. Le budget annuel alloué doit couvrir les soins de santé des membres, dans une approche populationnelle. Cela représente au niveau des États-Unis 39 hôpitaux, 23 000 médecins et 217 000 employés. Les hôpitaux doivent respecter des normes de sécurité et de qualité identiques. Des programmes d’éducation thérapeutique sont également développés dans l’ensemble du réseau. 

Le John Muir Health est un système de santé intégré à but non lucratif qui regroupe des hôpitaux, des centres de santé et des médecins de ville. La moitié des médecins sont salariés, l’autre moitié étant composée de médecins indépendants affiliés au réseau.

De même, Blue Shield of California, importante société d’assurances, qui emploie 8 000 salariés et dessert 4,8 millions de membres, contractualise avec des hôpitaux indépendants, des groupes médicaux et des médecins en exercice individuel pour permettre une meilleure coordination des soins avec un dossier patient unique.

Certains acheteurs de soins ont introduit une « Provider Payment Reform », qui vise à créer dans le système de soins des incitations positives pour atteindre une meilleure performance, avec notamment un paiement par épisode de soins. Un groupe d’offreurs de soins partage la responsabilité financière et médicale en apportant des soins coordonnés à la population. Le paiement se fait selon la formule du « bundle payment » (paiement à l’épisode de soins).

On trouve également en Californie des modèles intégrés pour les personnes âgées. Le « On Lok Pace Model » propose ainsi un programme de soins inclusifs pour les personnes du troisième âge. PACE rassemble tous les soins nécessaires (médicaux, sociaux, diététiques, etc.) coordonnés par une équipe pluridisciplinaire. Il intègre des soins primaires et des soins à long terme en institution, en privilégiant les soins à domicile pour les personnes âgées.

LA RECHERCHE ET L’INNOVATION FONT FIGURE DE MODÈLE

L’innovation est au cœur du système de santé américain. La culture de l’innovation est fortement encouragée.

Ainsi, l’innovation technologique et numérique est affichée comme une priorité du CHU de San Francisco. La stratégie est fondée sur le client (et non sur l’institution), sur les décisions (et non sur les solutions), sur les équipes permanentes (et non sur les projets) et sur les résultats (et non sur les échéances). Un groupe pluridisciplinaire de communication clinique pilote la mise en œuvre de cette stratégie.

L’expérience numérique et digitale est particulièrement encouragée, au profit des patients. C’est ainsi que de nombreuses platesformes numériques existent, permettant aux patients de prendre des rendez-vous en ligne, d’accéder à l’information, d’échanger des courriels et de participer à des visioconférences. De même, des plateformes de conseil 24 h/24 ont été mises en place, permettant une autoévaluation des symptômes par les patients et des consultations à distance par visioconférence.

Des programmes d’innovation existent dans bon nombre d’hôpitaux, permettant au personnel et aux fournisseurs de proposer des projets d’innovation.

Des innovations sont également développées dans le domaine de la tarification des soins. Les médecins de ville sont généralement rémunérés à l’acte (« fee for services »). Néanmoins, dans certains États (Californie, Massachussetts, Minnesota), le paiement à la capitation a été introduit. Il permet une rémunération du médecin en fonction d’un nombre de patients inscrits sur sa liste, avec un accent mis sur la prévention et l’éducation sanitaire.

Les hôpitaux sont rémunérés en fonction des pathologies traitées (« Diagnostic Related Groups »). Des incitatifs financiers sont cependant introduits pour améliorer la qualité et réduire les coûts inutiles.

Le financement de la recherche et de l’innovation aux États-Unis repose principale sur des fonds privés, notamment des donations.

La philanthropie permet non seulement de financer en grande partie les investissements immobiliers, notamment des hôpitaux, mais aussi soutient les programmes d’innovation en santé. Un hôpital d’une capacité de 327 lits comme MarinHealth lève ainsi chaque année entre 7 et 10 millions de dollars pour financer ses programmes et ses innovations technologiques.

La recherche en santé bénéficie également d’une synergie forte entre les universités, les hôpitaux et les entreprises. Une entreprise comme CISCO a, par exemple, créé un centre pour la transformation digitale en santé (« Cisco Healthcare »), think tank ayant pour objet d’accompagner et de promouvoir la transformation digitale. Il aide les offreurs de soins à combiner innovation technologique, innovation organisationnelle et innovation sur le business model.

Bien que les indicateurs de santé et la couverture sociale de la population soit indéniablement bien meilleurs en France qu’aux États-Unis, certaines organisations et innovations dans le système américain méritent cependant d’être appréhendées comme des pistes d’amélioration de la performance du système de santé français, qui reste encore trop marqué par son cloisonnement et par un financement des offreurs de soins quasi exclusif à l’activité.

Retour de voyage d’études à San Francisco

 


Perrine Cainne,Directrice de l’organisation, de l’attractivité et de la fidélisation au CHU de Bordeaux, suite à un voyage d'tudes à San Francisco

 

Le voyage d’études dans la baie de San Francisco organisé par Dialog Health pour l’ADRHESS, la FEHAP et le CRAPS a été riche de nombreux enseignements, utiles pour nos vies de professionnels hospitaliers et nous sommes revenus avec des idées de leviers qui permettraient de transformer notre système de santé et de protection sociale et répondre aux défis auxquels il fait face aujourd’hui. Ou, à l’inverse, cela nous a permis de voir d’apparentes « bonnes idées » évoquées aujourd’hui en France, déjà mises en œuvre dans l’État de Californie, qui n’ont pas eu les résultats escomptés. 

Bien sûr, les expériences ne sont pas comparables et transposables et il convient de faire un effort constant de remise dans le contexte historique, sociologique, économique et politique de chacun des systèmes. Néanmoins, ce que nous avons découvert, les échanges constructifs avec les participants et les intervenants et notre propre réflexion individuelle nous a permis de rentrer en France avec une autre vision des possibles.

En tant que directrice de l’Organisation, de l’Attractivité et de la Fidélisation au CHU de Bordeaux, je souhaite mettre en lumière deux dimensions transversales qui ont été plus particulièrement instructives dans le cadre de mes missions. La première concerne la méthodologie de transformation des organisations et la seconde porte sur la stratégie de développement de l’attractivité et de l’engagement des professionnels de santé. In fine ces deux sujets, traités avec un angle légèrement différent se rejoignent, se complètent et sont de nature à transformer profondément et durablement nos établissements.

Les organisations médico-soignantes qui nous ont été décrites apparaissent très différentes de celles que nous connaissons dans nos hôpitaux français. Si nous avons cherché à comparer les ratios soignants, les niveaux de rémunération, les systèmes de formation initiale et continue des professionnels, je crois que ce n’est pas le plus intéressant à rapporter car cela dépend principalement des moyens que nos pays ont décidé de consacrer à nos systèmes de santé respectifs. En revanche, la méthodologie de conception et de transformation des organisations est très intéressante à considérer. La plupart des établissements visités appliquent les principes du Total Quality Management (TQM) et du Lean pour accompagner l’évolution de leurs organisations. 

C’est le cas notamment de l’hôpital John Muir, qui a récemment recruté un expert du sujet pour déployer la méthode à grande échelle. Il estime la durée de sa mission à environ 2 ans pour former l’ensemble des unités, les faire adhérer à la méthode et qu’elles deviennent autonomes dans la conception de leur organisation et la résolution de leurs problématiques. De nombreux services sont déjà équipés de grands tableaux préremplis selon ces principes, permettant d’animer des réunions de service efficaces et laissant une large place à l’intelligence collective. Cet expert l’a déjà mis en place à UCSF et a pu en mesurer les bénéfices tant en termes de performance que d’engagement des collaborateurs. Si le TQM et le Lean Management ont mauvaise presse dans les hôpitaux français, il me semble que c’est plus par méconnaissance de leurs objectifs fondamentaux que de leurs modalités d’application. Ils ont souvent été associés à une simple méthode de réduction des coûts dans un contexte de rigueur budgétaire alors qu’ils visent à se concentrer sur l’essentiel pour améliorer l’expérience du patient et du professionnel. Et c’est tout à fait ce dont nos équipes et nos organisations ont besoin aujourd’hui.

De plus, pour aider à l’émergence d’innovations organisationnelles ou technologiques, des structures composées de coachs professionnels interviennent sur des projets transversaux visant à améliorer la santé de certaines populations spécifiques. C’est notamment le cas du Center Care for Innovation qui nous a été présenté et qui relève l’immense défi de faire travailler ensemble les différents acteurs du système américain dans un objectif d’amélioration, de simplification et de performance. Quand on mesure la multiplicité et la complexité des dispositifs existants, on ne peut que saluer leurs succès qui relèvent de l’exploit.

Ce voyage d’études a aussi été l’occasion de découvrir les hôpitaux magnétiques dont j’avais déjà beaucoup entendu parler sans jamais y mettre un pied. Parmi les hôpitaux visités, UCSF est labellisé tous les 4 ans depuis 2012 par le Magnet Hospital Recognition Program et nos interlocuteurs ont estimé que leur taux de turn-over relativement bas (7,9 % à UCSF contre 20 à 30 % en moyenne dans les hôpitaux américains d’après leurs dires) était lié à cette démarche. S’il n’est pas possible de résumer la démarche Magnet en quelques lignes, je voudrais mettre l’accent sur quelques points inspirants. 

Tout d’abord, développer l’écoute via des questionnaires d’évaluation permanents de la satisfaction et le traitement des résultats. Ces analyses donnent lieu à des plans d’actions qui impliquent les professionnels afin qu’ils soient acteurs de leurs propres solutions. Cette valorisation et exploitation du « feedback » est essentielle pour mettre en place des stratégies qui fonctionnent. Cela doit être renouvelé en permanence et intégré dans la culture d’établissement. 

Ensuite, faire participer les collaborateurs dans des démarches projets pluridisciplinaires (qui dépassent leur strict champ de compétences habituel) de la conception, à la réalisation et au suivi du projet. Nos interlocuteurs américains ont beaucoup insisté sur le fait que ces équipes projet restent connectées après la mise en œuvre de celui-ci pour en assurer son suivi dans une logique d’amélioration continue. Cette dynamique d’équipe est très enthousiasmante, attendue par les professionnels et m’a inspirée pour mettre en place le dispositif de la prime d’engagement collectif au CHU de Bordeaux. 

En complément, un dernier concept auquel je crois beaucoup et que j’ai vu fonctionner et mis en valeur en Californie, c’est celui de l’apprentissage et de la transformation par l’expérimentation. Nos organisations hospitalières doivent s’adapter en permanence, mais le changement imposé par la réglementation ou par la gouvernance n’est aujourd’hui plus accepté par les équipes car elles n’en comprennent pas toujours le sens. Au contraire, face à une problématique, donner aux équipes la possibilité de concevoir leur solution et de l’expérimenter a un triple avantage. Cela permet de faire adhérer les équipes aux projets (et plus généralement aux enjeux et à la culture de l’établissement), de développer l’apprentissage et donc les compétences des professionnels (pour reprendre la citation mythique de Nelson Mandela « je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ») et souvent, d’aboutir à des résultats beaucoup plus efficients.

Lorsque l’on accepte de mettre de côté ses croyances, un voyage est toujours une formidable occasion d’évoluer. Le système de santé californien, ses résultats ambivalents, ses professionnels fiers et enthousiastes ont parfois bousculé mes représentations et inspiré de nouvelles façons de fonctionner et parfois renforcé mes idées et ma motivation à les mettre en œuvre dans mon quotidien professionnel.