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Quand les juges se penchent sur les plans sociaux
Pour la première fois, une cour d’appel s’est prononcée sur le fondement d’un plan social. Une brèche dans la chasse gardée du patronat.
La Cour d’Appel de Paris a annulé le plan social concernant 64 salariés de Viveo France (éditeur de logiciels bancaires) pour le motif qu’il n’avait pas de fondement économique.
« Le défaut de cause économique constitue une illégalité qui vicie, en amont, la procédure de licenciement collectif ». Cet arrêt du 12 mai 2011 bouleverse les règles du jeu du contrôle de la légalité des plans sociaux.
D’ordinaire, ce sont les prud’hommes qui apprécient la réalité du motif économique.
Problème : ils n’interviennent qu’une fois les licenciements notifiés.
Et si les tribunaux de grande instance (TGI) peuvent être saisis en amont d’une procédure de licenciement collectif, leur rôle est généralement circonscrit aux questions procédurales.
Saisi par le comité d’entreprise de Viveo, le TGI de Paris avait rejeté sa demande d’annulation du projet de licenciement, appliquant la position de la Cour de Cassation de 2004 selon laquelle le juge n’a pas à apprécier les motifs économiques invoqués par l’employeur.
En prouvant le contraire, la Cour d’Appel va à rebours des règles jurisprudentielles qui protègent la liberté de licencier de l’employeur au nom de la liberté d’entreprendre.
Un caillou dans le jardin du patronat, que la Cour de Cassation risque fort de balayer.
Mais il n’empêche qu’en prenant des « libertés », les juges protègent les salariés en pointant du doigt la légèreté blâmable de certains employeurs.
Déjà en février 2011, le TGI de Troyes (Aube) avait rendu un jugement similaire, annulant le plan social de Sodimedical (matériel chirurgical) pour le motif que « la cause économique n’était pas justifiée ».
Sodimedical, qui entend délocaliser sa production en Chine, s’était également vu interdire le dépôt de bilan, le tribunal de commerce de Troyes estimant que le groupe était suffisamment prospère pour faire face aux difficultés financières de son site aubois.
Aussi, les salariés ont-ils été stupéfaits lorsque ce même tribunal a prononcé, le 19 août, la liquidation judiciaire de l’entreprise.
« On ne comprend pas que le tribunal ait pu faire volte-face car aucun élément nouveau n’est intervenu, si ce n’est que Sodimedical ne paie plus ses salariés depuis mai », a réagi l’avocate des salariés, Maître Campagnolo.
C’est justement cet argument que le tribunal a pris en compte, jugeant qu’« il n’est pas possible socialement de laisser perdurer une telle situation », alors que les prud’hommes ont ordonné à l’entreprise (en juin dernier) de payer les salaires. « Il suffira maintenant à une entreprise de ne plus payer ses salariés pour obtenir sa liquidation ! C’est le jugement du scandale », s’est insurgée l’avocate des salariés, qui a fait appel.
Avec succès puisque la Cour d’Appel a suspendu le jugement en raison de son « caractère totalement contradictoire », en attendant l’audience du 12 septembre sur une éventuelle annulation de la liquidation.