Comment rendre les managers socialement responsables ?
Dans notre précédent article intitulé La formation des managers : un impératif catégorique, nous évoquions la nécessité impérieuse de former les managers à l’exercice de leur rôle social. Cependant, le tout n’est pas de former les managers, encore faut-il veiller à ce que les bonnes pratiques de gestion sociale qui leur sont inculquées dans le cadre de la formation soient réellement mises en œuvre sur le terrain. Or, en réalité, qu’observe-t-on ? On remarque hélas que, dans beaucoup d’entreprises, les managers ne sont « jugés » que sur leurs résultats économico-financiers, autrement dit sur le chiffre. L’enjeu commercial damant ainsi le pion à l’enjeu social. D’ailleurs, même en comité de direction, la voix du DAF ne prime-t-elle pas la plupart du temps sur celle du DRH ? Cette approche nous paraît critiquable.
L’activité sociale ne doit pas être le parent pauvre de la fonction managériale. Au contraire, elle devrait se voir accorder une importance majeure. La stratégie de l’entreprise (au déploiement de laquelle la politique sociale participe) ne doit pas se résumer aux taux de marge et de profitabilité. En clair, on ne doit pas simplement attendre d’un manager qu’il fasse du chiffre. Les performances économiques doivent nécessairement être alliées aux performances sociales. Ces dernières reposent sur la manière de gérer le capital humain.
Aucune rentabilité saine et durable ne peut s’obtenir ou se maintenir, si la direction de l’entreprise se montre laxiste, timorée, complice ou complaisante face à de mauvaises pratiques sociales émanant du personnel d’encadrement. Pour que les managers jouent pleinement leur rôle sur le plan social, ils doivent y être incités, si besoin par la contrainte. Sinon, quel intérêt pour un manager de s’améliorer sur le volet social s'il est finalement jugé sur ses seuls résultats économiques et qu’il se sait au demeurant intouchable, quelle que soit la manière dont il traite ses collaborateurs ? Voilà pourquoi nous sommes d’avis que l’entreprise ne doit surtout pas hésiter à se séparer des managers qui gèrent leurs équipes avec des méthodes dignes du Far West (harcèlement, discrimination...). En effet, à quoi sert-il d’avoir un manager socialement irresponsable mais qui fait du chiffre, si c’est pour devoir payer cela très cher plus tard, à travers de lourdes condamnations prud’homales, des amendes de l’Inspection du travail ou des redressements de l’URSSAF ?
Pour inciter les managers à appliquer de bonnes pratiques sociales, il nous semble utile d’intégrer à leur grille d’évaluation annuelle ou aux critères de calcul de leur rémunération variable, des points sociaux. Par exemple : le taux du renouvellement au sein de l’équipe, le taux d’absentéisme, le nombre d’accidents de travail, le nombre de plaintes enregistrées, le nombre de contentieux prud’homaux, l’égalité professionnelle hommes/femmes, la diversité etc. On peut même envisager d’intégrer l'appréciation que ses collaborateurs font de lui à l’évaluation globale du manager. Cette appréciation étant bien entendu recueillie de manière anonyme sinon confidentielle, à l’effet d’en garantir la sincérité.
Le fait est qu’il existe bel et bien un écart en termes de performances entre les entreprises qui se montrent sensibles à l’importance de l’humain dans le management et qui à cet égard professionnalisent leur personnel d’encadrement, d'une part, et celles qui n’en ont pas du tout conscience ou qui se refusent à y accorder du crédit, d'autre part. À moyen ou long terme, une politique d’entreprise qui défie les managers sur la dimension sociale de leur fonction sera forcément rentable. Convenons-en bien, un salarié épanoui dans son travail sera généralement plus assidu, aura davantage l'esprit d'entreprise et sera plus productif que celui qui ne l’est pas. De toutes les façons, à défaut de pouvoir rapporter des profits immédiats, les bonnes pratiques sociales des managers peuvent au moins éviter de faire perdre de l’argent à l’entreprise. Un fort taux d’absentéisme, des grèves récurrentes, une augmentation de la fréquence des accidents du travail ou un volume important de contentieux prud’homaux sont autant de réalités fâcheuses pour l’employeur, qui peuvent plomber la trésorerie de l’entreprise et, par ricochet, réduire à la portion congrue les dividendes des actionnaires.