Participatif
ACCÈS PUBLIC
13 / 03 / 2009 | 30 vues
Bernard Salengro / Abonné
Articles : 22
Inscrit(e) le 05 / 08 / 2014

Pour une gouvernance des services de santé au travail

De toutes les institutions de santé au travail (Aract, Cram; Oppbtp; Inrs, Eurogip, Cat ..) la médecine du travail est la seule qui ne soit pas réellement paritaire.  En conséquence les textes fondateurs de la médecine du travail, remarquablement bien faits, n'ont jamais été appliqués, du moins dans leur esprit initial!

L'article fondateur dit (L.4622-2 et -3 du nouveau code du travail): "Les services de santé au travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de "médecins du travail" et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter l'altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs"....

La réalité nous oblige à constater que l'on est loin de cette conception initiale! En fait :  " les services de santé sont  un conseil d'employeurs locaux qui impriment leurs priorités et leurs conceptions de la santé au travail à leurs salariés et aux médecins du travail qu'ils recrutent"  Cette pression se fait suivant les cas en douceur, en finesse ou avec rudesse, mais de manière constante, efficace et avec le consentement plus ou moins éclairé des services déconcentrés du ministère qui ont laissé faire.

  • La logique aurait voulu que les médecins du travail désignés comme acteurs de cette prévention aient les moyens juridiques et administratifs de leur mission. L’erreur des législateurs a été d'avoir confié la gestion financière et administrative de ce service de santé directement aux employeurs, sans régulation paritaire et sans même passer par une organisation d'employeurs confédérée.

Ce choix a eu comme conséquences, notamment :

  • Médecin des travailleurs plutôt que médecin du travail

L'organisation systématique du service en fonction d'une conception médicalisante et psychologisante des employeurs qui renvoit, de fait, les problèmes de santé à la seule responsabilité des salariés. Mettant ainsi plus l'accent sur le médecin des travailleurs s'occupant de leur santé à l'occasion du travail plus que sur le médecin du travail cherchant les traces des effets du travail sur la santé pour proposer la modification des conditions de travail. Ainsi ne sont pas recherchées, en priorité, les causes premières liées au travail et ses caractéristiques ce qui, pourtant, serait la bonne démarche dans un processus de recherche de qualité. L'accent est systématiquement mis sur la capacité d'adaptation des salariés! La Fiche d'entreprise, véritable audit de l'entreprise par le médecin du travail n'est, par exemple, jamais demandée!

  • Association des employeurs

La prise de pouvoir des directeurs de service au point que les organisations représentatives des salariés de ces services négocient leur salaire avec leur collectif et non avec une organisation patronale confédérée au MEDEF, à la CGPME ou à l'UPA. Les représentants de l'État, les médecins inspecteurs du travail et surtout les directeurs régionaux du travail qui ont le pouvoir de l'agrément, ont choisi de tolérer ces aberrations contraires à l’esprit fondateur. Cette organisation traite avec la CNAM, l'AFSSET, l'ANACT au nom de la médecine du travail, alors que c'est une association des employeurs, on imagine les dérives possibles.

  • Organisation financière inadaptée

L'organisation financière des services qui n’est malheureusement ni optimale, ni adaptée.   La solution passe donc inévitablement par une réorganisation du système avec une autre gouvernance qui laisse une place incontournable aux représentants des salariés c'est à dire réellement paritaire avec alternance de tous les postes. Cette place des salariés doit se prévoir avec des moyens en rapport avec leur mission et avec une formation qui ne soit pas administrée par les employeurs (comme actuellement) mais par les organisations syndicales de salariés qui les désignent.

La deuxième condition nécessaire est une taille critique suffisante, le niveau régional parait minimal. Ce sont les deux conditions indispensables pour atteindre une meilleure efficacité, un fonctionnement des équipes pluridisciplinaires qui soit au profit de la protection de la santé des salariés, une indépendance qui ne soit pas virtuelle et  une importante économie de gestion (une étude ancienne avait  évalué le gain à près de 30% en cas de régionalisation). 

Revoir l’attractivité du poste de médecin du travail

Il faut enfin revoir l’attractivité du poste de médecin du travail, tant au point de vue statut (c’est le statut le moins rémunéré de tous les médecins sauf les scolaires) que du point de vue professionnel en leur permettant d'exercer ce pourquoi ils ont été formés avec les autres professionnels de l'équipe, sans recevoir de directives contradictoires de la part de leurs présidents, directeurs ou autres comettants.

Il serait temps de « dérigidifier » la formation universitaire qui crée des blocages administratifs inutiles et interdit, de fait,  les reconversions …De même il serait temps d'introduire un peu d'ordre et de rigueur dans la formation des autres intervenants.

Pour être complet dans le panorama il ne faut pas oublier que le médecin du travail et le service de santé au travail ne fonctionnent bien que pour autant que les employeurs le veulent! Cette volonté des employeurs peut être déterminée par l'action des inspecteurs du travail et des CRAM, jouant les rôles de gendrame et d'assureur, la réalité du terrain oblige à constater qu'ils n'ont qu'un sabre de bois!

  • La solution paraît dont de donner à l'inspecteur du travail les armes de l'inspecteur du fisc et à l'inspecteur de la CRAM les armes de l'inspecteur de l'URSSAF, on verra alors les employeurs devenir demandeurs de la prestation et ne plus mégoter les moyens quand on les leur demande!

L'enjeu humain et financier vaut bien quelques réaménagements!   

Les craintes s’accumulent légitimement devant l’introduction de plus en plus massive, sur les lieux de travail, de nombreux produits chimiques dont la dangerosité n’est pas réellement évaluée.

Les bouleversements de la vie psycho-sociale s'accentuent de plus en plus, au travail et dans la cité, après la révolution industrielle du travail tertiaire par l'introduction des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication ainsi que par la financiarisation de l'économie.

La révélation de graves affaires professionnelles liées aux cancers, aux troubles musculo-squelettiques, au stress, aux allergènes, aux suicides et aux harcèlements  appelle une réforme de la santé au travail urgente.

Non seulement la souffrance importante devrait motiver nos politiques mais également les dépenses santé inutiles puisque le Bureau International du Travail (BIT) les estime de l'ordre de 3 à 5% du Produit Intérieur Brut, ce sont des dizaines de milliards d'euros qui impactent l'assurance maladie dont il est question!

Devant ces situations qui touchent directement le cœur de l’entreprise et de la société, les partenaires sociaux sont amenés à élargir leur champ de préoccupations habituelles au-delà de l’emploi ou des salaires vers la santé au travail.  Déjà en 2000 lors de l'épisode de la refondation sociale, ceux-ci avaient négocié des accords intéressants dont l’objectif était aussi de s’approprier la question de la santé au travail par le biais des Observatoires Régionaux de la Santé au Travail (ORST), des commissions paritaires locales et par l'introduction des représentants des salariés dans les conseils d'administration des services de santé au travail à hauteur du tiers des postes.

Ils avaient également envisagé une meilleure coordination entre les nombreuses institutions de prévention et préconisé des pratiques pluridisciplinaires.  Hélas ! La réalité est restée très éloignée des vœux des négociateurs. La volonté hégémonique des dirigeants de la Sécurité sociale et des représentants de l'État en est la cause principale.

Pour preuve : l’infertilité des ORST et l’obstacle posé par ces employeurs gérant les services de santé au travail qui ne sont pas mandatés par les organisations patronales.  Le manque de dialogue social français est patent sur le terrain : aucune ou presque commission paritaire locale prévue par ces accords n'a fonctionné.

Alors que les Français sont classés premiers européens pour l'importance qu'ils donnent aux valeurs attachées au travail et à leur transmission à leurs enfants, ils sont les derniers européens pour la qualité du dialogue social et le manque de confiance réciproque entre salariés et entrepreneurs (cf Thomas Philippon). Ce fait n'est pas sans retentissement sur la santé au travail !

 

Afficher les commentaires

Pourriez vous S.V.P me donner votre définition de ce mot mis à toutes les sauces et qui en fin de compte hormis le fait d"'être à la mode" ne me semble pas d'un intérêt certain vu la richesse de la langue française.

Si vous en connaissez l'origine lexicale et ou idéologique n'hésitez pas à partager vos connaissances , je suis preneur !

wil