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23 / 12 / 2020 | 49 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Mieux évaluer, mieux délibérer et mieux décider : les pistes de réflexions du CESE

Le Conseil Economique, Social et Environnemental a examiné en séance plénière deux études de la Délégation à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques du CESE qui ne manquent pas d'intérêt dans la période actuelle notamment.
 

L'étude  "Méthode d'analyse des controverses au sein du CESEétait présentée par Michel Badré.
 

La démarche
 

L'idée de départ était  de comprendre les différences de points de vue avant de chercher à élaborer des compromis et trouver des consensus
 

Pour le rapporteur, la compréhension des arguments des uns et des autres est un préalable à une concertation constructive, permettant de sortir des situations de blocages parfois constatées : c’est une méthode de construction objective d’un « accord sur les points de désaccord », qu’il est proposé d’établir, en amont des concertations et décisions à prendre.
 

Pour autant, l’analyse de controverses ainsi abordée n’est pas une fin en soi : elle ne vise qu’à constituer une étape préalable au processus de prise de décision. Elle se situe ainsi dans la droite ligne des travaux en cours pour renforcer le rôle du CESE en matière de participation du public à l’élaboration des décisions.
 

Adaptée aux méthodes de travail du Conseil, elle vise à conforter les avis fournis au gouvernement et aux assemblées parlementaires, et à nourrir le débat citoyen.
 

Les pistes de réflexion
 

La démarche ayant conduit à la rédaction finale de l’étude a permis de mettre en évidence 7 champs nécessitant des précautions méthodologiques :
 

  • Une typologie particulière des sujets, justifiant, pour le CESE, une analyse de controverses : l’analyse de controverses n’apparaît utile que s’il existe un choix clair entre deux ou plusieurs options alternatives.
  • La formulation de la question : préciser au maximum la question permet de définir au mieux le champ d’investigation de la réflexion dans la suite de la démarche et exposer les choix qui ont conduit à retenir telle ou telle formulation.
  • Le poids relatif des critères (scientifiques, techniques, juridiques, économiques, éthiques…) : une analyse aussi objective que possible des arguments présentés en faveur ou en défaveur de chaque option, sans hiérarchisation des arguments est nécessaire.
  • Les sources : aucun élément ne peut être retenu dans une analyse de controverses s’il n’est pas argumenté et sourcé, et si son ou ses auteurs ne sont pas identifiés.
  • Une posture de « neutralité active » nécessaire : cette posture est complexe par nature et elle conduit à porter une grande attention à l’exigence et la précision apportées au choix des critères de comparaison des options.
  • La synthèse : il s’agit d’un élément essentiel, puisque c’est celui qui servira de base aux phases suivantes de préparation de projets d’avis ou d’études ou de contributions citoyennes

 

Les cinq étapes-clés de la demande d'analyse de controverses
 

1- L’opportunité d’une analyse de controverses, dans la préparation d’un avis ou d’une étude du Cese comme dans la conduite d’une opération de participation citoyenne, est à examiner dans chaque cas particulier. Elle dépendra bien sûr principalement des controverses identifiées comme importantes dans le thème traité, mais aussi du calendrier global de l’opération engagée. Cet examen d’opportunité devrait être conduit à l’occasion de la saisine elle-même, et son résultat intégré dans la note de saisine compte tenu de son importance pour la suite des travaux. 
 

2 - Dans le cas où il est décidé de procéder à une telle analyse, la première mesure à prendre est de désigner l’équipe de deux ou trois personnes responsables du pilotage de l’analyse (normalement choisies parmi les membres et les administrateurs et administratrices de la formation de travail chargée de la saisine).
 

3 - Cette équipe de pilotage devra commencer par identifier les principaux thèmes de controverses en relation avec les options de politiques publiques envisageables, et les porteurs d’argumentations relatives à ces controverses. Elle devra, si possible en relation avec ces porteurs d’arguments, formuler précisément les questions controversées.


4 - Elle devra ensuite expliciter, à partir des sources disponibles, les arguments en faveur ou en défaveur des différentes options répondant aux questions posées.


5 -  Une synthèse globale de ces arguments devra ensuite être établie, pour l’ensemble des questions, en y intégrant les réflexions générales utiles aux travaux ultérieurs de la formation de travail saisie, ou du groupe citoyen. Cette synthèse sera très utilement soumise à la validation des principaux porteurs d’argumentations, si le calendrier le permet. Elle ne devra en aucun cas anticiper sur les positions susceptibles d’être adoptées ultérieurement par la formation de travail ou le groupe citoyen.


La seconde étude "Quelle conception des politiques publiques pour accompagner les transitions en cours et à venir ?" était présentée par Frédéric Grivot et Jean Louis Cabrespines. (**)

 

Le contexte  
 

Depuis de nombreuses années, le modèle démocratique de notre pays est interrogé tant par les citoyens que par les forces politiques.
 

Que ce soit en matière économique ou sociale, les équilibres sont précaires et les acquis sociaux et démocratiques sont fragilisés, pouvant être détruits ou remis en cause.
 

Dans ce contexte, les politiques publiques sont confiées aux acteurs institutionnels qui devraient anticiper les évolutions en cours ou à venir afin de s’inscrire dans un modèle de développement soutenable.
 

Pour ce faire, il est nécessaire de trouver de nouveaux modèles prenant en compte les mutations importantes, le facteur humain étant la principale cause des atteintes irréversibles à l’environnement dont les conséquences pourraient entraîner la finitude de notre modèle de société.


Pour les rapporteurs, cette période de basculement n’est autre qu’une transition majeure qui émerge suite aux diverses transitions en cours (numérique, énergétique, démographique, etc.).
 

Des changements substantiels de nos modes de vie et plus largement de nos modèles de développement sont désormais envisagés avec des modes opératoires contradictoires : adopter un repli individualiste et unilatéral ou militer pour une décroissance collective planétaire. Certains misent sur les nouvelles technologies pour développer nos capacités d’adaptation. Pour beaucoup, ces solutions ne semblent ni possibles ni souhaitables.

 

Les pistes de réflexion du CESE

 

 Afin de mieux anticiper et accompagner ces profonds changements, le Conseil décline dans cette étude  trois séries de pistes de réflexion pour renouveler démocratiquement la conception des politiques publiques, tendre vers un nouveau paradigme soutenable et poursuivre les objectifs du développement durable à toutes les échelles de gouvernance.

 

1) Anticiper et accompagner les transitions : des opportunités de renouvellement démocratique pour concevoir les politiques publiques


Pour ce faire, le CESE propose de :
 

  1. Mieux prendre en compte les intérêts des générations actuelles et futures Écarter les risques de dérives autoritaires face aux crises, définir l’intérêt général et défendre les biens communs à long terme.
  2. Débattre sur une nouvelle organisation institutionnelle.
  3. Consulter davantage les citoyens au niveau local.
  4. Améliorer la légitimité des politiques publiques Intégrer au projet de loi 3 D (décentralisation, différenciation e déconcentration) les objectifs du développement durable.
  5. Inclure de façon équilibrée les parties prenantes (experts, corps intermédiaires et citoyens) en leur permettant de faire des choix éclairés.
  6. Améliorer la conception et la mise en oeuvre des politiques publiquesSortir d’une conception opportuniste en privilégiant une approche prospective.
  7. Débattre des coûts réels et induits des transitions.
  8. Garantir une application équilibrée des trois leviers d’action (incitations, réglementations et informations) de la puissance publique.

 

2) Face aux transitions : tendre vers un nouveau paradigme cohérent avec les objectifs de développement durable 

 

Pour atteindre ces objectifs , le CESE propose de :
 

  1. Préserver les libertés individuelles malgré le caractère contraignant des transitionsConstruire un projet politique cohérent socialement et économiquement pour s’engager dans la transition écologique.
  2. Repenser le système pour influer sur les comportements et tendre vers un modèle de sobriété, d’efficacité et d’évitement des gaspillages.
  3. Débattre des différentes visions des déterminants des modes de vie pour choisir démocratiquement les changements à opérer.
  4. Mieux comprendre les transitions grâce à l’éducation et la formation.
  5. Aménager les politiques publiques de court et long terme pour accompagner les transitionsEffectuer les bons arbitrages pour traverser la crise économique et sociale.
  6. Conditionner les aides accordées aux engagements pris pour la transition écologique.
  7. Prendre en compte les dimensions économiques et sociales de l’impact des transitions sur la sociétéConstruire des politiques publiques transversales, pérennes et globales.
  8. Anticiper les changements à venir dans les domaines économique et social via des observatoires incluant les parties prenantes.
  9. Favoriser les investissements financiers porteurs de sens à long termeSoutenir la logique des « green bonds ».
  10. Orienter les investissements vers un modèle productif régénératif.

 

3) Améliorer la cohésion et l'autonomie à toutes les échelles de gouvernance pour accompagner les transitions 

 

Et sur ce point, le CESE propose de :
 

  1. Favoriser l’imaginaire social de la transformation de notre modèle de développement dans une logique ascendanteS’appuyer sur des exemples de « bonnes pratiques » locales à l’instar du projet de transition de Grande-Synthe.
  2. Créer des échanges entre les territoires pour développer des expérimentations porteuses de réponses innovantes.
  3. A l’échelle européenne : développer des projets ambitieux et partagés pour accompagner les transitionsIntégrer davantage les États membres par une meilleure coordination des politiques européennes.
  4. Évaluer préalablement le « Green new deal » et répartir équitablement les efforts des États membres.
  5. À l’échelle internationale : tendre vers des transitions justes et soutenables pour chaque pays impliquéintroduire des critères proches de l’esprit de la RSE lors de la négociation des futurs accords commerciaux.
  6. Mieux coordonner et harmoniser les actions internationales à long terme.
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