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SAP France condamné, DRH promue, DRS sortis…
Par deux fois, SAP France a été condamnée pour discrimination syndicale et ce n’est pas fini. Mais cela ne fait pas obstacle à l’élargissement du périmètre de responsabilités de la DRH. En revanche, à la direction des relations sociales, les « directeurs » se succèdent à grande vitesse.
Dialogue social judiciaire
Une tendance aux problèmes et contentieux sociaux se dégage chez SAP France depuis quelques années. Ils se sont accélérés en 2012, date de l’arrivée de la nouvelle DRH, dont la longévité dans l’entreprise est cependant un succès à mettre à son actif. En effet, SAP France a connu 10 DRH entre 1998 et 2012.
Tout cela laisse supposer qu'un dialogue social judiciaire est parfaitement assumé par le plus haut management de SAP.
Toujours plus fort
En 2012, l’inspection du travail a établi un procès-verbal de délit d’entrave au fonctionnement du CHSCT. Trois membres du CHSCT ont déposé plainte auprès du Procureur des Hauts-de-Seine. Le « directeur » des relations sociales (DRS) de l’époque a pris la porte. Mais les problèmes, touchant au temps de travail, n'ont pas été résolus pour autant.
En 2013, une centaine de salariés a bizarrement saisi deux conseils de prud’hommes (Paris et Nanterre) pour réclamer du salaire variable non versé. Mais la DRH n'a pas mis fin à « l’émeute ». Celle-ci s'est « étalée » jusqu’en 2016.
En 2014, le Conseil des Prud’hommes de Nanterre a été contraint de reconnaître une discrimination syndicale à l’encontre d’un salarié SAP, testeur informatique de son état et élu CGT au comité d’entreprise (CE).
Fin 2014, SAP France s'est vu refuser l’autorisation de licencier le représentant syndical CGT au CE par le ministre du Travail. Ce représentant avait eu la mauvaise idée de dénoncer une utilisation non conforme des budgets à l’intérieur du CE. La forme de cette dénonciation avait particulièrement déplu à une élue CFE-CGC du CE, administrateur salariée par ailleurs (oui, chez SAP tout est possible !) qui s’était évertuée à convaincre la DRH à demander l'autorisation administrative de licenciement de son collègue CGT trop critique.
En 2015, après l’action de la CGT@SAP la Cour d’appel administrative de Versailles a annulé la décision de la DIRECCTE des Hauts-de-Seine homologuant le premier PSE de croissance « simplify & optimise SAP 2014 ». La Cour d'appel administrative de Versailles a établi des irrégularités flagrantes dans la définition des catégories professionnelles [1].
Le dialogue social, facteur clef de réussite
Comme quoi, il ne suffit pas à une entreprise d’avoir l'un des meilleurs logiciels de gestion de ressources humaines pour rester dans les clous. Encore faut-il savoir écouter les experts de métiers. À cette date, la DRH disposait pourtant d’un directeur des relations sociales, ex-avocat et docteur en droit. SAP exploitait donc un matériel et une équipe de gagneurs. Mais cela n’a pas suffi.
Le second PSE de croissance, mis en œuvre l’année suivante, a cette fois été signé par la CFE-CGC et la CFDT. Un PSE signé est un PSE en béton ! On n'est jamais aussi bien aidé que par ses partenaires sociaux.
En juin 2016, la Cour d’Appel de Versailles a de nouveau condamné SAP pour discrimination syndicale envers l’élu CGT au CE : toujours testeur, toujours aussi déterminé, toujours autant discriminé. D’autres procédures similaires sont en cours et devraient se conclure en 2017 et 2018. Le processus est lancé. Nous pouvons penser que la société SAP France va encore connaître l’honneur de décisions de justice fort instructives.
Mais cela ne perturbe en rien la DRH. Elle ne laisse paraître aucune émotion de responsable concerné quand on l’interpelle sur ce sujet en réunion de CE. En effet, dès juillet 2016 son périmètre de responsabilités s'est élargi à l’Europe du nord. À ce rythme, elle devrait être DRH du groupe mondial avant la fin de l’année prochaine, pour le plus grand bonheur des cabinets juridiques des pays socialement avancés.
Le directeur des relations sociales, lui, a quitté la société le 19 octobre 2016. À peine arrivée et présentée aux « partenaires sociaux », sa remplaçante est remerciée en moins d’une semaine.
Ah, si SAP envisageait plutôt des relations humaines et des ressources sociales, l’entreprise pourrait se vivre plus sainement ! Mais SAP a imposé ou choisi la voie de la confrontation judiciaire. La société a en effet les moyens financiers pour faire appel aux plus prestigieux cabinets juridiques de Paris.
Mais que les actionnaires soient rassurés, SAP est toujours certifié « top employeur » en France et en Europe. En outre, SAP vient juste d’obtenir la certification EDGE (en matière d'égalité professionnelle hommes/femmes) au niveau mondial. Tout cela sera amplement détaillé dans le rapport annuel 2016.
[1] Le numéro 1698 du 16 novembre 2015 de la Semaine Sociale Lamy traite de cette jurisprudence dans un dossier fort instructif.