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06 / 05 / 2015 | 27 vues
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Le discours de la mobilité et sa place dans la fabrication des carrières : une utopie sociale

Après la période des entretiens annuels de professionnalisation (EAP), le sujet des perspectives d'évolution et de carrière fait surface et le questionnement des cadres sur leur avenir professionnel s'installe. Le débat sur la mobilité prend sa place, y compris au sein de l'unité familiale et l'affaire est peut-etre plus complexe qu'on le croit. 

La fédération FO énergie et mines entend répondre aux questions sur la mobilité des cadres, considérant que les entreprises ne doivent pas en faire un message pour stimuler ou augmenter la motivation des cadres. En effet, la mobilité n’est pas la seule voie d’évolution professionnelle. La reconnaissance des compétences sur un métier ou un poste de travail doit déjà permettre de gérer les carrières et augmenter la prise des responsabilité des cadres.

Contrairement à ce que l’on peut penser dans un premier temps, on constate que même si la mobilité doit introduire une certaine flexibilité sociale, ce qu’elle produit en fait est un renforcement des inégalités entre les cadres.

Commençons par revenir à quelques notions tangibles.

Parmi les différents types de mobilité, nous rencontrons :

  • la mobilité fonctionnelle, qui modifie le contenu du poste de travail. Elle peut être horizontale ou verticale et donc hiérarchique. À l’horizontale elle peut aussi se traduire par un changement de métier. Quelque part, elle fait l’unanimité ;
  • la mobilité géographique, qui comporte les mêmes caractéristiques que la fonctionnelle avec le déménagement de l’unité familiale en plus ;
  • le célibat géographique qui permet de contourner la mobilité géographique en laissant la famille dans sa résidence principale et en se déplaçant pendant la semaine sur un lieu plus ou moins proche du lieu de travail.

Par ailleurs, ces différents types de mobilité s’exercent en fonction d’un certain nombre de critères comme :

  • l’ancienneté dans l’entreprise, sachant qu'un tiers des promotions hiérarchiques concerne les agents dont l’ancienneté est inférieure à 15 ans ;
  • l’âge, sachant que les cadres de moins de 40 ans représentent les deux tiers des promotions ;
  • la taille du marché dans lequel nous sommes ou celui sur lequel nous souhaitons nous orienter, en même temps conditionnée par la stratégie de l’entreprise sur la filière métier ;
  • le genre et la position économiques dans le couple (l’activité professionnelle du conjoint est déterminante dans le rapport à la mobilité) ;
  • le cycle de vie ;
  • le diplôme.

Au départ, émerge l’idée du « cadre nomade », polyvalent et sans racines, capable d’apprendre et de réussir sans cesse dans un marché ouvert et multiple.

C’était une façon de construire les carrières sans frontières en multipliant les changements de postes d’une structure à une autre.


À cette époque, la mobilité a été construite sur une utopie sociale, celle d’une société fluide dans laquelle la liberté de mouvement permet l’égalité des positions sociales. Cette mobilité  permet d’acquérir des nouvelles compétences et des expériences mises à disposition d’une nouvelle valorisation de l’individu sur le marché du travail. Mais ce cercle a évidemment ses limites.

L’idéal de cette mobilité comporte une promesse faite à celui qui bouge d’accéder aux plus hautes sphères, tout en étant libre et sans entrave.

La mobilité : une valeur sociale

On entre donc dans un modèle de mobilité utilisé comme instrument permettant d’augmenter l’employabilité et de « faire carrière ». L’adaptation des cadres au marché de l’emploi interne devient un axe stratégique de mise en concurrence…

  • C’est alors que l’on a commencé à attribuer à la mobilité une certaine valeur sociale, même à l’assimiler à une  condition de parcours professionnel de forme implicite, à la manière des grands corps d’État.

Construite comme un idéal, la mobilité est faite à partir d’étapes, d’atouts et d’épreuves, d’où l’expression « faire carrière ». Elle est faite comme si elle était une prescription ou une norme avec laquelle le cadre doit se montrer en conformité. L’idée répandue entre les cadres que lorsque l’on veut faire carrière, on ne peut pas rester statique s’installe.

C’est ainsi que l’on associe la mobilité professionnelle et la progression sociale.

Mais que dire de cette mobilité géographique qui dépasse largement le cadre professionnel, car il s’agit de faire de ses choix de vie privée l’instrument de sa carrière.

Surtout quand on sait que les enjeux ne sont pas forcément là...

Une fois toutes ces idées ou toutes ces valeurs attribuées à la mobilité et dévoilées, les questions fusent, interpellent et restent souvent sans réponse.

  • Mais dans quelle mesure les dispositifs de mobilité peuvent-ils combler un statut social ou un niveau de diplôme ?
  • Que produisent ces dispositifs de mobilité sur une trajectoire professionnelle ?
  • Est-ce que cette mobilité professionnelle répond vraiment à un objectif de mobilité sociale ?


Mais pourquoi veut-on se donner une bonne conscience et retrouver un peu de diversité parmi les managers et cadres de proximité alors que celle-ci est presque inexistante dès que l’on gravit les étages des responsabilités ?

L’analyse de la mobilité montre que celle réalisée par les cadres issus d’une promotion interne est plus limitée que celle faite des cadres recrutés à l‘externe.

Par ailleurs on constate que les diplômes des écoles prestigieuses continuent d'alimenter le haut de la pyramide de responsabilités. Si l'on ajoute à cela, la corrélation entre le fait que faire une belle carrière est principalement conditionné par le capital scolaire et donc sanctionné par le diplôme initial…

La mobilité : une utopie sociale

Le discours de la mobilité et sa place dans la fabrication des carrières prennent donc des allures d’utopie sociale, celle de faire penser qu’à travers la mobilité une nouvelle égalité entre travailleurs serait trouvée.

Avec cette pensée utopique, on fait croire que tous les cadres sont égaux et libres d’optimiser leurs parcours mais, dans le fond, elle participe ou amplifie les différences existantes, voire elle les renforce ou en crée de nouvelles.

Mais si l'on veut faire le lien entre la mobilité et la progression de carrière, ce qui compte dans le fond, c’est la réputation au-delà des aspects et notations RH, car elle circule vite et loin. Et que dire des réseaux d’écoles toujours plus puissants que les gestionnaires de carrière ?

Pour notre fédération, les entreprises ne doivent pas faire de la mobilité un message intrinsèque pour stimuler ou augmenter la motivation des cadres. Elle n’est pas la seule voie d’évolution professionnelle. La reconnaissance des compétences sur un métier ou un poste de travail doit déjà, à elle seule, permettre de gérer les carrières et augmenter la prise des responsabilités des cadres. Les entreprises laissent penser que la mobilité peut combler la différence entre les diplômes mais la réalité est toute autre.

Baser sa carrière sur la seule mobilité, c’est prendre un chemin tortueux et complexe qui ne garantit surtout pas le résultat…

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