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24 / 03 / 2021 | 1654 vues
Hermann Martial NDJOKO / Membre
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Le mythe de l’engagement syndical désintéressé

Le discours syndical tend généralement à présenter l’engagement comme une sorte de vocation sacerdotale, aseptisée de tout calcul ayant un profit à retirer à la clef. La gratuité de l’engagement étant alors convoquée comme qualité fondatrice du militantisme [1]. Or s’engager dans un mandat représentatif n’a rien d’un acte désintéressé. Si cette affirmation reste encore perçue par nombre d’acteurs syndicaux sinon comme un sacrilège, du moins comme un tabou, les travaux académiques afférents à la sociologie de l’engagement militant l’ont depuis longtemps établi formellement. Selon nous, Daniel Gaxie [2] l’a illustré de la manière la plus éloquente. La scotomisation [3] des rétributions du mandat syndical qu’il a si bien su disséquer renvoie à la dénégation de la réalité selon laquelle, derrière l’engagement syndical, se trouve aussi la quête d’un intérêt personnel distinct des finalités collectives dudit engagement.

 

Reconnaissance sociale
 

Ainsi, ce serait faire preuve d’une naïveté criante que de croire que l’engagement dans l’exercice du mandat prud’homal (et plus généralement du mandat représentatif) est un acte de charité publique. D’ailleurs, même en droit, n’existe-t-il pas un adage qui dit « pas d’intérêt, pas d’action », confortant ainsi l’idée que l’on ne fait rien pour rien ? Au-delà de leur rétribution financière [4], il ne faut pas mésestimer la reconnaissance sociale que l’exercice des responsabilités prud’homales procure à nombre de conseillers prud’hommes, par exemple. Beaucoup parmi eux exercent la fonction prud’homale principalement (voire uniquement) pour se donner une « image de marque », pour leur « carte de visite », pour leur « CV » et pour la « notabilité sociale ». Que dire des retraités qui trouvent en la fonction prud'homale un bon moyen d'échapper à l'ennui ? Dire cela n’est pas faire offense au personnel prud’homal ; c’est simplement restituer une vérité de La Palice. Cette réalité sociologique a d’ailleurs été mise en évidence par de nombreuses études, dont celle menée en 2007 par les professeurs Hélène Michel et Laurent Willemez. Pour ces deux enseignants-chercheurs, « plus qu'un espace de consolation, les prud'hommes sont d'abord un lieu de reconnaissance sociale mais aussi un lieu de lutte contre un « déni de reconnaissance », qu'il s'agisse de refuser une forme d'invisibilité, d'être déprécié ou dévalorisé ou encore d'être méconnus » [5].
 

Hiérarchie de prestige
 

Les autres mandats représentatifs ne sont point en reste : délégué syndical, membre du conseil social et économique, défenseur syndical etc. Qui peut nier qu’un délégué syndical central a parfois plus de poids dans l’entreprise qu’un manager de proximité, même lorsque ce dernier est son supérieur hiérarchique ? Le mandat représentatif ne permet pas à son titulaire d’intégrer la hiérarchie fonctionnelle mais la hiérarchie de prestige de l’entreprise. Un « simple » délégué syndical central peut ainsi avoir des facilités à traiter avec des puissants auxquels son propre chef d’atelier ou de service n’a même pas accès : le directeur général de l’entreprise, l’inspecteur du travail, le maire, le préfet du département etc. L’exercice des fonctions syndicales lui offre ainsi l’occasion d’étoffer son carnet d’adresses et de se créer un réseau. Ce sont là des avantages non négligeables. À titre d’illustration, en avril 2012, en pleine crise sociale sur le site du groupe ArcelorMittal à Florange, Édouard Martin, syndicaliste CFDT, n’avait-il pas reçu la visite de François Hollande qui était devenu président de la République le mois suivant ? Le même Édouard Martin ne se fera-t-il pas ensuite coopter par le parti du même François Hollande au point de devenir député européen [6] en 2014 ? La trajectoire de ce syndicaliste ne vient que confirmer cette assertion de Baptiste Giraud, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille : « Dans toutes les formes d'engagement collectif, le syndicalisme reste l'un des rares lieux qui rend des formes de promotion sociale possibles »[7].


En effet, si ceux qui s’engagent dans l’exercice d’un mandat représentatif « ne sont pas toujours rémunérés, ils sont de fait « récompensés » par divers bénéfices de puissance et de « notabilisation » (reconnaissance, prestige, sentiment d‘importance, satisfaction d‘agir sur le monde pour le transformer, pouvoir sur les choses et sur les gens, titres à intervenir dans divers espaces publics, informations stratégiques) et souvent par l‘estime, l‘affection, voire l‘admiration de leurs compagnons de lutte » [8].

 

Opportunisme
 

La protection spéciale contre le licenciement (donc la protection de son emploi) est aussi l’un des gros avantages du mandat représentatif. Comme le fait encore observer Baptiste Giraud, « l'adhésion syndicale et l'engagement dans un mandat procèdent souvent de la volonté de se protéger. On rencontre souvent dans les entreprises des salariés qui n'ont adhéré à un syndicat qu'à la condition d'être pris sur une liste de DP ou CE pour bénéficier d'un mandat qui les protège (…) Bien sûr, cela peut s'expliquer pour partie par des stratégies d'engagement purement opportunistes pour accéder au statut de salarié protégé (…) En outre, l'appel et l'adhésion aux syndicats s'opèrent souvent quand les salariés sont en situation de conflit personnel avec leur hiérarchie. Prendre un mandat, c'est se mettre un peu à l'abri des tensions et de la pression que la hiérarchie fait peser » [9].


Acquisition de connaissances
 

Par ailleurs, le mandat représentatif permet d’acquérir des connaissances. « Le mandat est également source de reconnaissance en même temps qu’il participe de l’institution du statut social du salarié protégé. Il permet au salarié protégé d’acquérir, par le biais de ses fonctions, de nouvelles compétences, d’obtenir des informations par un accès privilégié à sa source et, ce faisant, de mieux connaître l’entreprise et d’en maîtriser plus finement les rouages (…) le mandat permet aussi de faire valoir, voire d’opposer certaines compétences, en l'occurrence des compétences juridiques, à l’employeur » [10]. Pour les acteurs syndicaux les moins instruits, le mandat peut même permettre de s’offrir un « capital scolaire de substitution » [11], grâce à la validation des acquis de l’expérience syndicale [12]. En effet, l’article L.6111-1 alinéa 3 du code du travail donne le droit à toute personne engagée dans la vie active de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle, liée à l'exercice de responsabilités syndicales. Partant, cette validation des acquis de l’expérience syndicale « rompt aussi avec la perspective traditionnelle de l'engagement, fondée sur la gratuité et le désintéressement : rappelant qu'il y a une vie après le militantisme et qu'il faut tirer les bénéfices de cet engagement social, les dossiers sont en harmonie avec les perceptions devenues usuelles de l'engagement et constituent de ce fait un indicateur particulièrement pertinent des transformations des représentations de l'engagement et des impératifs de présentation de soi que rencontrent aujourd'hui les militants » [13].

 

Aussi, ce serait faire preuve de crédulité que de croire que tous les acteurs syndicaux arrivent au syndicalisme parce qu’ils auraient, de manière innée, un sens du dévouement ou un penchant altruiste. L’engagement militant découle souvent des accidents de parcours, d’échecs ou de frustrations personnels. Comme Daniel Gaxie l’écrit à juste titre, « l‘observation objectivante, comme les confidences des militants eux-mêmes, montrent que les déceptions ou insatisfactions familiales, sentimentales, scolaires, professionnelles ou militantes, un déménagement, un divorce, la retraite, des problèmes de santé ou l‘isolement sont des éléments qui peuvent favoriser une adhésion » [14].
 

Assumer son intérêt personnel 

 

En tout état de cause, au moins trois choses semblent pouvoir être retenues des développements qui précèdent : premièrement, si, à l'origine, l'exercice du mandat supposait la gratuité, le désintéressement, cette conception enchantée n’a plus guère droit de cité. L’existence de rétributions, ne fût-ce que « symboliques », a depuis longtemps télescopé ces principes ; à telle enseigne que seules la mauvaise foi et l'hypocrisie s'obstinent encore à soutenir le contraire. Parler d’activité syndicale en termes d’activité désintéressée n'est donc qu'un vaste mensonge social. L’engagement syndical n’est pas un apostolat car dès lors que le « désintéressement » est rentable, ce n’est pas réellement du désintéressement [15]. « Bien souvent d’ailleurs, la recherche d’une contrepartie immatérielle (remerciements, utilité, plaisir d’aider des gens dans le besoin) justifie à elle seule l’exercice de cette activité gratuite, qu’une activité rémunérée ne permettrait justement pas d’atteindre ou dans une moindre mesure (…) » [16]. Ainsi, nonobstant l’absence d’un revenu, l’activité syndicale peut « présenter une dimension « intéressée », que ce soit d’un point de vue statutaire ou strictement moral. Voire une visée lucrative si l’on admet que la notion de lucre puisse s’étendre au-delà du profit financier » [17]. Cependant, cela ne signifie pas que les syndicalistes ne s’engagent que par calcul, ni que la cause défendue à travers leur engagement ne puisse être juste et noble.

 

Deuxièmement, les rétributions de l’engagement syndical gagneraient à être assumées plutôt que déniées. Il ne devrait point y avoir de honte à reconnaître qu’indépendamment du fait que l’objet du mandat représentatif soit la défense de l’intérêt collectif des salariés [18], l’engagement syndical est aussi, voire avant tout, porteur du besoin de satisfaire un intérêt personnel et privatif. L’essentiel est surtout de parvenir à un équilibre sain entre, d’une part, les vœux et aspirations individuelles des salariés investis des fonctions représentatives et, d’autre part, les solidarités qui devraient se faire jour au sein de la collectivité des travailleurs [19]. Par exemple, la Cour de cassation a eu à reconnaître le droit pour un délégué du personnel d’utiliser son crédit d’heures de délégation, pour assurer la défense de ses propres intérêts dans le cadre d’un contentieux en discrimination syndicale l’opposant à l’employeur [20].
 

Troisièmement, dans une société individualiste comme la nôtre, de plus en plus marquée par un étiolement des allégeances au collectif, la protection de l’attractivité du mandat représentatif et l’incitation à l’engagement syndical passent dorénavant, qu’on le veuille ou non, par quelques-unes de ces contreparties [21]. À cet égard, l’importance prise ces dernières années par le sujet de la reconnaissance et de la valorisation des compétences liées au mandat [22], pourrait mettre enfin tout le monde d’accord. En effet, si les travaux de la fin des années 1970 évoquant les « rétributions » apportées par le militantisme ont longtemps trouvé une fin de non-recevoir de la part des acteurs qui refusaient l'idée même de « bénéfices », de gratifications, voire de satisfactions, liés à l'engagement, l'existence d'une VAE militante montre l’affaiblissement relatif de ce positionnement institutionnel et l'acceptation croissante du fait que l'engagement puisse désormais être une source de « bénéfices » et apporter au militant, de la même manière que celui-ci apporte à la cause qu'il défend et représente [23].

 

[1] Yannick Le Quentrec, « La validation des acquis de l’expérience militante dans le champ syndical : une reconnaissance du militantisme ? », étude de l’Institut régional du travail de Midi-Pyrénées - janvier 2007, p.27.

[2] Daniel Gaxie, « Économie des partis et rétributions du militantisme », in. Revue française de science politique, 27e année, n° 1, 1977, pp. 123-154.

[3] En psychologie, le terme « scotomisation » désigne l’attitude défensive par laquelle un sujet refuse inconsciemment une réalité ou une vérité difficile à accepter pour lui. Daniel Gaxie parle de « scotomisation des rétributions du militantisme » : Daniel Gaxie, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l‘action collective », Swiss Political Science Review 11 (1), 2005, p.169.

[4] Articles R.1423-55 à R.1423-70 du code du travail.

[5] Hélène Michel et Laurent Willemez, « Les conseils de prud’hommes entre défense syndicale et action publique : actualité d’une institution bicentenaire », rapport de la mission de recherche Droit et justice, juin 2007, pp.125-129

[6] Depuis juillet 2019, la rémunération mensuelle d’un député européen s’élève à 8.995,39 € bruts. Source : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/faq/13/remuneration-et-pensions

[7] https://www.editions-legislatives.fr/actualite/representer-les-autres-%5B3-7%5D-le-syndicalisme-reste-un-des-rares-lieux-de-promotion-sociale- (consulté le 21 mars 2021)

[8] Daniel Gaxie, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l‘action collective », Swiss Political Science Review 11 (1), 2005, p.162.

[9] Baptiste Giraud, ibid.

[10] Mario Correia et Nicole Maggi-Germain, « Le licenciement des salariés protégés : processus et enjeux », document d’études DARES, n° 108, février 2006, p.21.

[11] Rachel Beaujolin-Bellet et François Grima, « La transition professionnelle des leaders syndicaux à l’issue d’un plan social », Socio-économie du travail n° 32 (Économies et sociétés, tome XLIV), juillet 2010, pp.1129-1156.

[12] À ne pas confondre avec la valorisation de l’expérience acquise au titre du mandat.

[13] Laurent Willemez, « Faire fructifier son engagement : conséquences et limites de la validation des expériences militantes », dans Frédéric Neyrat (dir.), La validation des acquis de l’expérience. La reconnaissance d’un nouveau droit, Bellecombe-en-Bauge, éditions du croquant, 2007, p. 2.

[14] Daniel Gaxie, op.cit. p.175.

[15] Alain Caillé, « Don, intérêt et désintéressement », La Découverte MAUSS, 2005, p. 250 et s.

[16] Delphine Gardes, « Essai et enjeux d'une définition juridique du travail », thèse de doctorat de l’Université Toulouse I, 2011. Voir aussi Guillaume Sainteny, « Militantisme et rétribution : à la recherche d'un modèle théorique », in Espaces Temps, 1995, p.134.

[17] Delphine Gardes, op. cit. p.357.

[18] Articles L. 2131-1 et L. 2312-8 du code du travail.

[19] Franck Petit, « La notion de représentation dans les relations collectives du travail », thèse de doctorat en droit de l’Université Paris I, 1997.

[20] Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 1999, n° 97-40.966. Pour un commentaire de cet arrêt, voir Christophe Radé, « Rémunération et discrimination syndicale : le droit du délégué du personnel à la légitime défense », note sous soc., 26 mai 1999, Droit Social, 1999, p. 773.

[21] La théorie du paradoxe de l’action collective, développée par l’économiste américain Mancur Olson, a établi que c’est notamment par la possibilité pour celui qui s’engage d’obtenir en retour des avantages personnels (que l’auteur désigne par « incitations sélectives ») que l’on peut agir sur la capacité de mobilisation collective des individus : Mancur Olson, Logique de l’action collective, PUF, 1978.

[22] Nicole Maggi-Germain, « La reconnaissances des compétences liées au mandat » ; Droit Social, Dalloz, n° 1, janvier 2018, pp. 32. Voir aussi le rapport Jean-Dominique Simonpoli - Gilles Gateau : « Accompagner la dynamique du dialogue social par la formation et la reconnaissance de ses acteurs et par la valorisation des meilleures pratiques », février 2018.

[23] Laurent Willemez, op.cit. p.4.

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A partir de qq observations...en tirer de tels propos visant à une généralisation décrédibilisante pour le syndicalisme...relève ou de la mauvaise foi ou de d'intentions délibérées ....

Compte tenu des difficultés pour trouver le plus   souvent des bonnes volontés pour assurer les  relèves...que se soit ds le milieu  syndical  ou associatif...ce n'est peut être pas aussi intéressant que l'auteur le prétend 

 

Enfin on a rarement vu des syndicalistes faire fortune 

 

Cela dit  que l'engagement syndical favorise les épanouissement de talents et soit porteur d'enrichements tant intellectuels que dans les relations humaines....sûrement. !

 

@ Monsieur LESUEUR,

Mon article comporte pas moins de 23 références, la plupart issue de travaux scientifiques sur le sujet (études de sociologues, rapports de recherche, thèses de doctorat, ouvrages, etc.). On se serait donc attendu, en retour, à ce que votre critique de mon article, pour être "crédible", soit également fondée sur des références. Or, il n'en est rien du tout. 

De plus, à vous entendre dire que l'article fait une généralisation, on se demande si vous l'avez réellement lu; surtout lorsqu'on sait par exemple que j'y ai écrit ceci : "cela ne signifie pas que les syndicalistes ne s’engagent que par calcul, ni que la cause défendue à travers leur engagement ne puisse être juste et noble." (8ème paragraphe).

Quant à ce qui est de la crise des vocations syndicales que vous évoquez, celle-ci n'enlève strictement rien à l'existence des contreparties de l'engagement syndical présentées dans l'article; contreparties qui, je vous le rappelle, ne sont pas que financières et valent même parfois aux yeux de leurs bénéficiaires plus que l'argent : protection contre le licenciement pour les syndicalistes investis d'un mandat, constitution d'un réseau social, acquisition d'un capital scolaire de substitution, satisfaction d‘agir sur le monde pour le transformer, pouvoir sur les choses et sur les gens, titres à intervenir dans divers espaces publics, etc. D'ailleurs on devrait plutôt vous poser la question de savoir pourquoi, malgré les allégations faisant état de difficultés liées à l'exercice du mandat représentatif, nombre de représentants syndicaux s'éternisent dans leurs mandats voire s'accrochent à leurs "pouvoirs", si ce n'était pas qu'ils y trouvent incontestablement un intérêt suffisamment important et consistant pour leur donner l'envie d'être et de rester conseiller prud'hommes, délégué syndical, etc.

Au demeurant, l'une des causes de la désaffection des salariés pour le syndicalisme vient justement du comportement des acteurs syndicaux eux-mêmes, à qui il est souvent reproché de ne s'engager que pour leurs propres intérêts et non pour ceux de la collectivité des travailleurs. J'en parlais déjà dans un précédent article que vous aviez pourtant été le premier à apprécier et commenter ici même... et dans lequel je disais ceci : "Dans le milieu syndical, on trouve sans doute des déserteurs du travail. Souvent en échec professionnel, ceux-là n’ont endossé le manteau de la lutte syndicale que dans le seul et unique but d’être maintenus dans leur emploi sans s’investir dans leur métier. Certains cumulent tant de mandats (et les heures de délégation y afférentes) qu’ils ne passent plus la moindre seconde de leur vie à leur poste de travail ; ainsi, ne profitant alors pas seulement d’une quasi-immunité liée à la protection légale conférée par leur statut mais également d’une véritable rente de situation relativement aux moyens, privilèges et avantages octroyés par l’exercice du mandat (...) " (lien de l'article ==> https://www.miroirsocial.com/node/64943). A cela, il faut ajouter "l'embourgeoisement" d'une partie du personnel syndical que la littérature marxiste elle-même qualifie "d'aristocratie ouvrière" ou de "prolétariat-bourgeois". Autant de réalités qui décrédibilisent le syndicalisme. Ce n'est donc pas mon article qui en est à l'origine.

En tout état de cause, votre commentaire est une illustration typique de la scotomisation des rétributions du militantisme.

Je rejoins le commentaire de Jacky Lesueur.

Déjà j'avais été profondément heurté par votre publication précédente sur la soit disant incompétence des conseillers prud'hommes qui était outrancière, ici vous vous attaquez au syndicalisme dans son ensemble et tirant des règles générales de situations certes réelles mais qui sont loin de refléter la réalité en tous cas celle que je cotoie régulièrement. A croire que vos études sont financées par un syndicat patronal pour décrédibiliser les syndicats. Je sais bien qu'il faut de la pluralité pour se forger des opinions mais je m'étonne que Miroir Social vous offre une telle tribune aussi régulièrement. 

Identifier une minorité déviante ne fait pas une règle générale, c'est vrai pour les syndicalistes comme pour les politiques. 

Un sophisme est un procédé rhétorique, une argumentation, à la logique fallacieuse. C'est un raisonnement qui porte en lui l'apparence de la rigueur, voire de l'évidence, mais qui n'est en réalité pas valide au sens de la logique, quand bien même sa conclusion serait pourtant «vraie».

Comment faire d'une minorité  un mythe !

Bref fallait oser, je m'étonne aussi que Miroir social  laisse le sophisme, la scotomisation et la mauvaise foi s'installer.

 

Ne pas valider cette publication ? Bien sûr que non. N'est ce pas le jeu du débat des idées ? Libre à chacun de se fendre d'une contribution "démontant" les arguments développés qui posent, à mon sens, une vraie question. Au plaisir d'échanger sur ce sujet, peut-être sur un prochain direct d'ailleurs ;o))

Que dans tout engagement, il y ait une part de contre-don, c'est vieux comme le monde comme nous dirait Marcel Mauss et qu'il n'y ait pas d'engagement sans rétribution à tout le moins symbolique,  me semble parfaitement évident. Mais comme dans tout engagement, qui toute chose égale par ailleurs, va produire des savoirs faire et être, des compétences, une reconnaissance sociale, contribuer à tisser un réseau, etc.... Et que ces compétences soient reconnues dans des champs spécifiques : professionnels, universitaires via la VAE de l'expérience syndicale ou autres, c'est le jeu j'ai envie de dire.

A ce propos d'ailleurs, ceux qui s'en tirent le mieux au jeu de la validation des acquis de l'expérience syndicale sont ceux qui sont déjà dotés scolairement (à préférer aux expressions les moins ou les plus instruits) 

Mais en faire le moteur de l'engagement syndical,  en citant parfois vos sources d'une manière partielle, est plus que discutable. Rares sont les salariés qui se syndiquent pour des valeurs, un principe, une idéologie : c'est d'abord et avant tout pour être défendus, protégés et le syndicat en tant qu'institution représentative du personnel a justement cette fonction : rétablir la partie faible au contrat dans un rapport plus équilibré avec son employeur sans quoi le pouvoir de direction n'aurait que les limites que lui donne le code du travail... C'est à dire bien peu ! 

Extrapoler à partir de la situation d'Edouard Martin, leader syndical médiatique (et en grande partie créé par la presse) qui a vendu ses camarades pour un plat de lentilles me semble aussi assez discutable.

La réalité est autre : on ne devient pas élu ou mandaté en se syndiquant et là je convoquerai Simone de Beauvoir : on le devient. Il y a donc un parcours militant qui pourra ou non trouver à s'employer socialement, professionnellement, économiquement et symboliquement. ici il faut davantage convoquer la sociologie américaine pour le comprendre ou encore la sociologie clinique. 

Mais tout le monde ne fait pas carrière ! Bon nombres de représentants syndicaux sont bloqués dans la leur, vive ntles pressions et le harcèlement, les discriminations, le licenciement abusif, le burn out et jettent l'éponge. Sans avoir fait d'enquête à ce sujet -  (et à ce propos vous affirmez beaucoup sans montrer à voir ) je ne m'aventurerai pas à dire du façon péremptoire : beaucoup, la plupart, pour "les moins instruits" (votre remarque sur les moins instruits fleure bon une vision auto-centrée de classe) - je pense que la logique libérale coût -bénéfice que vous empruntez, pourrait être grandement nuancée en examinant toutes les situations où être représentant syndical c'est se mettre en danger.

Enfin, à titre d'exemple, mais un cas personnel ne vaut pas démonstration : j'ai été longtemps conseillère prud'homme ... je n'ai pas rencontré parmi les conseillers salariés que je côtoyais ceux que vous décrivez . ceux qui exercent cette fonction principalement ou uniquement pour se donner une image de marque, une carte de visite, leur CV, la notabilité sociale ou par ennui.Du côté des patrons peut être. D'une part vous ne dites pas de quels conseillers prud'hommes il s'agit. D'autre part lorsqu'on connait l'exercice de la fonction prud'hommale, les connaissances que l'on doit acquérir pour s'en acquitter de manière satisfaisante, le temps à y consacrer qui dépasse de loin le temps alloué par le code du travail, je trouve votre appréciation plus que légère et accréditant l'idée que les conseillers prud'hommes n'auraient pas comme n'importe quel magistrat, comme motivation de rendre le droit. C'est là encore une façon de reprendre un discours convenu sur l'amateurisme supposé des conseillers prud'hommes ou les mettre tous dans le même sac. Donc forcément réducteur ou selon Bourdieu "prendre des artefacts pour des faits".

Enfin il manque une dimension à votre démonstration, celle qui consiste à intégrer les effets de position, car justement tout n'est pas égale par ailleurs : on ne peut pas parler des représentants syndicaux comme un groupe homogène avant de l'avoir décrit. C'est le B.A BA de la sociologie qui postule au contraire que les jeunes, les ouvriers, les femmes n'existent pas mais qui parlera par exemple des jeunes ruraux entre 15 et 25 ans ayant tel capital scolaire, social ou économique... Il serait donc nécessaire de comprendre si le rendement syndical, que vous supposez univoque, est le même quand on est un homme ou une femme, un cadre ou un ouvrier, appartenant à telle organisation ou telle autre, avec tel ou tel niveau de diplôme.

@Mme FOURAGE,

La longueur de votre commentaire est telle qu'il faudrait rédiger un nouvel article pour répondre à tous les points évoqués par vos soins. C'est pourquoi, je ne réagirais, par la présente réponse, qu'à certains d'entre eux.

Vous faîtes état des "dangers" de l'engament syndical (discriminations, repressions). Or cela n'enlève strictement rien à la thèse de l'article selon laquelle il existe, concomitamment, de nombreuses rétributions à l'engagement syndical qui, à elles seules, constituent des raisons d'être dudit engagement. Sinon, pourquoi malgré ces "dangers", de nombreux représentants syndicaux s'éternisent dans leurs mandats voire s'accrochent à leurs "pouvoirs", si ce n'était pas qu'ils y trouvent incontestablement un intérêt suffisamment important et consistant pour leur donner l'envie d'être et de rester conseiller prud'hommes, délégué syndical, etc. A mon sens, les avantages qu'ils tirent de leur engagent syndical sont supérieurs aux risques qu'ils y encourent. A ce titre, je vous rappelle que les contreparties de l'engagement syndical ne sont pas que matérielles et valent même parfois aux yeux de leurs bénéficiaires plus que la carrière : protection contre le licenciement pour les syndicalistes investis d'un mandat, constitution d'un réseau social, acquisition d'un capital scolaire de substitution, satisfaction d‘agir sur le monde pour le transformer, pouvoir sur les choses et sur les gens, titres à intervenir dans divers espaces publics, etc.

Quant à ce qui est des conseillers prud'hommes, puisque vous affirmez vous-même qu'"un cas personnel ne vaut pas démonstration", pourquoi évoquez-vous donc votre cas personnel au soutien de votre argumentaire ?  

Par ailleurs, vous prétendez - si j'ai bien compris - que je ne détaille pas le profil des conseillers prud'hommes qui seraient concernés par la thèse de la contrepartie de l'engagement syndical. Je vous réponds en disant d'abord qu'il s'agit des conseillers prud'hommes des deux collègues : salarié comme employeur. Ensuite, que les rétributions de l'activité militante ne concerne pas qu'une catégorie particulière d'acteurs syndicaux. Pour preuve, les nombreuses analyses et études des sociologues que j'ai cités au soutien de mon argumentation, ne font pas non plus de distinction sur ce point. Par conséquent, lorsque vous parlez du prétendu "B.A BA de la sociologie ", ça me fait doucement sourire. Mon article se réfère aux travaux d'imminents sociologues dont il ne viendrait à aucun esprit saint et sérieux de douter une seule seconde de leur qualité de sociologue. A cet égard, je ne saurais que trop vous suggérer de ne point vous contenter de lire le texte de mon article, mais aussi les références bibliographiques figurant en notes de bas de page. Il me semble que c'est le "B.A BA" d'une démarche intellectuelle critique et scientifique... Du reste, force est de constater, pour le déplorer, que votre "article" en réplique au mien (qui n'est en réalité qu'un copier/coller de votre présent commentaire), est dépourvu de toute référence scientifique : zéro note de bas de page ! Là où mon article contient pas moins de 23 références (études de sociologues, rapports de recherche, thèses de doctorat, ouvrages, jurisprudences, etc.). 

S'agissant toujours des conseillers prud'hommes, vous dîtes que j'accrédite "l'idée que les conseillers prud'hommes n'auraient pas comme n'importe quel magistrat, comme motivation de rendre le droit.". Il convient de vous répondre en trois points :

- Primo, les conseillers prud'hommes ne sont pas des magistrats et il n'y a d'ailleurs aucune mesure entre un magistrat et un conseiller prud'hommes, c'est le jour et la nuit, que ce soit soit du point de vue de l'exercice de la charge ou même de la biographie. Pour ne citer qu'un exemple : Un magistrat c'est un Master en droit, un magistrat c'est la réussite d'un des concours les plus difficiles et les plus sélectifs qui existe en France (concours de l'Ecole Nationale de la Magistrature), un magistrat c'est 31 mois de formation à l’Ecole Nationale de Magistrature, soit plus de 2.5 ans de formation. Je vous laisse comparer cela avec les 5 jours de formation que reçoivent les conseillers prud’hommes et à qui aucun diplôme tout court n'est exigé pour l'exercice de leur fonction. N'importe quel vendeur de clous peut être désigné conseiller prud'hommes. Souffrez que je le dise aussi crûment, mais c'est la triste réalité.

- Deuxio, je vous confirme que tel est bien le fond de ma pensée : la plupart des conseillers prud'hommes n'ont ni comme motivation de dire le droit, ni même les compétences juridiques que l'exercice d'une telle responsabilité requiert. Je vous confirme également que je fais partie de ceux qui considèrent qu'en l'état, la fonction prud'homale est, dans la grande majorité des cas, exercée de façon "amateuristique" par des personnes qui n'en ont pas les compétences juridiques. D'où le fait que je sois partisan de l'idée que le contentieux prud'homal soit confié aux seuls vrais juges, c'est-à-dire à des magistrats. Je l'ai expliqué dans mon article que vous semblez avoir lu, et qui s'intitule "L'incompétence juridique des conseillers prud'hommes en question" (Le lien de cet article est ici ==> https://www.miroirsocial.com/node/66634)

- Tertio, même pour les magistrats, ce serait faire preuve de naïveté que de croire qu'on aspire à devenir magistrat uniquement pour dire le droit. Comme pour plein d'autres métiers, beaucoup sont aussi attirés par la profession de magistrat parce que socialement, c'est une fonction considérée comme prestigieuse; parce que financièrement, une belle carrière dans la magistrature permet de bien gagner sa vie; parce que humainement, rendre la justice est pour beaucoup une cause personnelle juste à défendre. Ceci pour vous dire que même là vous croyiez ne pas la voir, la satisfaction personnelle tirée de l'exercice de la fonction judiciaire est une contrepartie immatérielle, est un levier de motivation, est un centre d'intérêts, qui n'enlève absolument rien aux qualités personnelles et professionnelles d'un magistrat.

 

Mon commentaire est "parti" par inadvertance, sans que je n'eusse le temps de retirer toutes les coquilles rédactionnelles qui s'y trouvent. Par exemple, "imminents sociologues", alors que je voulais plutôt écrire "éminents sociologues". Ou encore, "conseillers prud'hommes des deux collègues", alors que je voulais plutôt écrire "conseillers prud'hommes des deux collèges".

Je saurais donc gré aux lecteurs de ne point m'en tenir rigueur. Du fait du système de "suggestions automatiques", répondre à partir du clavier de son téléphone sans commettre d'impair linguistique n'est pas évident.

Il est dommage que le site ne permette pas de modifier nos commentaires une fois ceux-ci postés. Ce serait pourtant bien d'avoir cette possibilité.